Valeurs sociétales et valeurs économiques des politiques de développement
Jusqu’à maintenant il était généralement admis que la croissance mais aussi les politiques de développement économique d’un pays pouvaient être mesurées et évaluées à partir de la mesure du PIB (Production Intérieure Brute). De par son mode de calcul, le PIB est la somme des valeurs ajoutées produites par les entreprises d'un pays durant une année donnée. Le PIB permet d'apprécier la production d'un pays. On peut aussi le considérer comme un surplus monétaire dégagé par l’ensemble des entreprises d’un pays, pour une année donnée, qui leur permet d'une part de faire face à leurs obligations en matière de rémunération de leurs, salariés, de leurs actionnaires, et de leurs créanciers, et d'autre part d'investir dans de nouveaux cycles de production.
Les projets spécifiques de développement mis en œuvre au niveau d’un territoire (mais aussi d’une entreprise) ont été longtemps évalués par la méthode d'analyse coûts / avantages[1] . Cette méthode en mettant en regard l’ensemble des coûts et des avantages attendus d’un projet tente d’évaluer le surplus monétaire qui sera engendré par ce projet. On peut noter que la méthode coûts / avantages repose sur la même logique que la mesure de la valeur ajoutée et du PIB : mesurer un surplus monétaire. Les travaux critiques sur les limites de la méthode coûts / avantages[2] datent des années 1970 et 1980. Il est intéressant de souligner que c’est pour contrebalancer la trop grande importance de la quantification économique et en particulier de l’analyse coûts / avantages sur la décision publique que se sont développés des travaux sur les indicateurs sociaux, et en particulier les indicateurs sociétaux de bien être, comme outil d’évaluation des politiques publiques.
Aujourd'hui, la prise de conscience croissante que les politiques de développement, mises en œuvre tant au niveau national que local, ont des impacts environnementaux de plus en plus graves et qu'elles ont tendance à accentuer les inégalités sociales, a amené une accélération des travaux sur l'élaboration d'indicateurs environnementaux, sociaux ou sociétaux. Ces indicateurs ont pour ambition d'évaluer et de mesurer les effets de ces politiques de développement surtout si ces politiques se réfèrent aux ambitions et aux objectifs d'un développement qualifié de "durable".
On ne peut noter qu'historiquement le mouvement des indicateurs sociaux est né de l'insatisfaction des outils quantitatifs des économistes pour évaluer les projets et les politiques de développement. D'une certaine manière, cette insatisfaction des outils quantitatifs des économistes ayant pour objectif d'évaluer et de mesurer un surplus monétaire, peut être interprétée comme un refus d'apprécier la valeur d'un bien ou d’un service, et plus précisément ici d'une politique de développement, à partir de sa seule évaluation monétaire, à partir du seul système des prix. La multiplication des travaux sur les indicateurs sociétaux de bien être peut être interprétée comme un refus d'identifier la valeur d'un bien à son prix comme le propose la théorie néo-classique de l'équilibre général.
L'objectif de cette communication est d'attirer l'attention des économistes sur les limites et les insuffisances des approches actuelles sur les indicateurs sociétaux de bien être. Dans un premier temps, un bref rappel sur l'historique des indicateurs sociétaux de bien être permettra de conforter l’hypothèse que c’est le refus d’identifier valeur économique et prix qui a été à l’origine du mouvement des indicateurs sociaux. Cette première partie permettra de souligner que ces indicateurs reposent sur des systèmes de valeurs incarnés par des groupes sociaux dans des sociétés spécifiques. Ces systèmes de valeurs sociétaux jouent un rôle déterminant pour définir l’utilité ou la valeur d’usage d’un projet ou d’une politique de développement spécifique, mais ils ne sauraient à eux seuls définir la valeur économique de ce projet ou de cette politique de développement. Dans une deuxième partie seront abordées les limites des approches en termes d’indicateurs sociétaux pour expliciter les enjeux économiques des projets et des politiques de développement. Il sera proposé d’imputer les insuffisances actuelles des démarches en termes d’indicateurs sociétaux à une quasi absence de réflexion sur une manière alternative de définir la valeur économique par rapport à son acceptation dominante qui identifie valeur et prix.
1. Indicateurs sociétaux de bien être et valeurs sociétales
1.1 Historique et état des lieux
En janvier 2002, le CERC (Conseil de l’Emploi, des Revenus et de la Cohésion sociale) a publié un rapport de synthèse de Bernard Perret sur Indicateurs sociaux, état des lieux et perspectives. L'auteur du rapport note que dès l’origine, c'est-à-dire dans les années 60 et jusqu’au milieu des années 70, le "mouvement des indicateurs sociaux" qui s’est manifesté dans la plupart des pays développés, « s’est inscrit dans un ensemble de tentative de rationalisation du gouvernement par la connaissance, dont participaient également la Rationalisation des choix budgétaires (RCB) et la modélisation macroéconomique ». Il n’est pas inutile de rappeler que la méthode RCB consistait à définir des objectifs, aussi complètement et précisément que possible, et à comparer systématiquement tous les moyens utilisables pour les atteindre. Les avantages et les coûts de chaque action administrative faisaient l'objet d'une évaluation afin de développer au maximum les possibilités de calcul. Non seulement les coûts et avantages directs étaient pris en compte, mais tout ce qui constituait une charge ou un gain indirect pour la collectivité. Les dispositifs de rationalisation du processus budgétaire mis en place dans les années se sont avérés plus lourds que prévu et la méthode RCB fut abandonnée au début des années 80.
Dès l’origine, le mouvement des indicateurs sociaux « a été associé à la volonté de contrebalancer l'influence de la quantification économique sur la décision publique. (..) Dans l’esprit de leurs promoteurs, les indicateurs sociaux devaient constituer un outil de pilotage du développement social dont le rôle aurait été comparable à celui de la comptabilité nationale pour la croissance économique ». Même si personne n’a jamais eu l’ambition de mesurer le "bonheur intérieur net" d’une nation, il s’agissait au minimum d’exprimer, par un ensemble de données quantifiées, l’état d’une nation dans différents domaines de l’activité économique et sociale, afin de mesurer les conséquences des décisions prises et d’éclairer les choix politiques. Ce mouvement des indicateurs sociaux, en tant que projet de pilotage rationnel du progrès social s’est éteint avec la crise économique des années 70. Il s’est en partie continué dans le développement de statistiques sociales.
Selon Bernard Perret (2002), si l’on en juge par le nombre d’initiatives et de publications, les indicateurs sociaux sont depuis quelques années, de nouveau d’actualité, « pour autant, les différences sont importantes avec le climat des années 70 ». Le nouveau mouvement des indicateurs sociaux est à la fois plus modeste et plus éclaté, reposant sur de motivations et des acteurs plus diversifiés. « D’un point de vue technique, le champs des indicateurs sociaux recouvre un continuum de pratiques qui vont du simple recueil de statistiques aux tentatives d’élaboration d’indicateurs agrégés de bien-être social. En termes de champs, les indicateurs sociaux sont parfois intégrés dans un ensemble plus vaste d’"indicateurs structurels" de développement. A l’inverse, on observe également la multiplication de pratiques de reporting (évaluation) centrées sur un problème particulier, (éducation, emploi, santé, etc. ) sur la situation d’une population particulière ou encore sur le développement social d’une région ou d’une localité ». Mais c’est le développement des comparaisons internationales qui est l’une des caractéristiques du nouveau mouvement. Les principaux organismes de coopération internationaux (Commission Européenne, PNUD, OCDE, Banque mondiale, …) ont pris des initiatives en ce domaine. « Ces structures étant dépourvues des instruments habituels de l’autorité publique, le benchmarking (étalonnage comparatif) constitue pour elles un moyen efficace d’influer sur les décisions des Etats en incitant chacun à se comparer aux bons élèves et à prendre pour modèle les meilleures pratiques ».
Le renouveau actuel des indicateurs sociaux, souvent dénommés indicateurs sociétaux de bien être, est directement lié « au retour d’une interrogation critique sur la croissance économique et son assimilation abusive au bien-être collectif » et sur l’utilisation du PIB comme indicateur de performance globale de la nation. Les limites de cet indicateur sont bien connues : « il ne tient compte ni des activités non rémunérées, ni de l’évolution des stocks de capital physique, naturel et social. A fortiori, il n’a aucunement vocation à refléter le "bien être national" ». Plus fondamentalement, et en fonction des critiques rappelées précédemment concernant les méthodes d’analyse coûts / avantages, RCB, on peut interpréter le refus de considérer le PIB comme mesure de la performance globale comme un refus d’assimiler la valeur d’un bien, d’un service ou d’une politique de développement à son prix (ou au bénéfice monétaire attendu).
1.2 Les indicateurs sociétaux de bien être comme traduction des valeurs d'usage attendues des politiques de développement
Les indicateurs sociétaux ont pour ambition de définir quelques uns des objectifs prioritaires que doivent permettre de réaliser les politiques de développement économique au niveau d'une nation ou d'un territoire donné. On peut dire que les indicateurs sociétaux sont en quelque sorte la formalisation des "valeurs d'usage" attendues de ces politiques de développement.
La construction mais aussi l’interprétation des indicateurs sociétaux, comme traduction des valeurs d’usage attendues par des groupes sociaux spécifiques des politiques de développement, soulèvent des problèmes d’interprétation à ceux qui sont chargés de les élaborer ou de les utiliser. Les chercheurs qui participent à la construction de ces indicateurs et plus généralement à l'évaluation de politiques de développement « sont aujourd’hui davantage conscients de l’impossibilité d’adopter un point de vue totalement objectif, indépendant de la perception subjective des intéressés, pour décrire et qualifier le résultat d’actions qui ont pour finalité d’affecter les intérêts ou de modifier les conditions de vie de certaines catégories de population »[3].
1.3 Les indicateurs sociétaux comme reflets de systèmes de valeurs sociétales
Les indicateurs sociétaux en tant que hiérarchie d’objectifs et de résultats attendus d’une politique de développement spécifique reflètent les valeurs sociétales des groupes qui les élaborent. Dans le cas de procédure participative, ces indicateurs révèlent la construction d’un compromis entre les systèmes de valeurs sociétales des différents groupes qui sont impliqués dans la construction et la mise en œuvre de ces indicateurs. Mais qu’est ce qu’un système de valeurs sociétales ?
Pour le politologue Pierre Bréchon, qui a participé avec des chercheurs des plusieurs pays à un dispositif d’étude sur les systèmes de valeurs des européens, les valeurs sont des idéaux, des préférences, des orientations d’action qui émanent des individus et qui ont trait à leur vie personnelle, à leur vie en famille, à leur travail, à leur vie en société. Il souligne que les individus agissent en fonction de valeurs qui font sens pour eux.
Les valeurs sont portées par les individus, mais l’individu n’en n’est pas le producteur. « Même si elles sont acquises au cours de l’adolescence et de la jeunesse, les valeurs proviennent d’une négociation entre l’individu et son environnement social. Petit à petit, chacun construit un système de valeurs ».[4]
1.4 La dynamique d’évolution des valeurs et cohésion sociale
La dynamique d’évolution des valeurs au niveau d’une société est difficile à expliciter. Dans leurs travaux sur les systèmes de valeurs des européens, Pierre Bréchon et François Techernia (2000) ont essayé de repérer les principaux processus explicatifs de la permanence et de l’évolution des valeurs. Ils ont distingué trois : les cycles naturels, les mouvements structurels et les événements historiques. L’explication par les cycles naturels est induite en partie par l’effet d’âge et en partie par l’effet génération. Dans l’explication par les mouvements structurels, les valeurs évoluent en fonction de grands mouvements enregistrés dans les structures sociales et économiques (allongement de la vie, élévation du niveau d’instruction, amélioration du niveau de vie, montée des femmes dans la vie active, exode rural, etc.). L’explication par les événements historiques peut prendre deux formes selon que l’événement historique marque avant tout une génération, ou au contraire agit sur toutes les générations.
La vie en société exige une entente minimale sur des orientations communes. Dans les sociétés qui changent rapidement, les systèmes de valeurs doivent nécessairement être mis en débats pour permettre une certaine cohésion sociale. « Chacun d’entre nous a la possibilité de faire le point et de s’interroger sur quoi repose sa vie à des moments clés de sa propre existence. Un groupe social vit, lui aussi, de telles occasions de réflexion : c’est un cercle d’amis, une assemblée générale d’association, etc.(…) Il existe parfois des crises dans un corps social qui obligent les uns et les autres à préciser leurs positions, à retrouver leurs repères, à définir leurs orientations »[5].
Au niveau d'un pays donné, la vie sociale exige une entente minimale sur les choix et les orientations du développement économique. Mais force est de constater que dans la plupart des cas, cette entente minimale est plus ou moins implicite et rarement formalisée. Il serait légitime d'espérer que dans les pays qui se réclament de la démocratie et qui prônent sa diffusion à l'ensemble du monde, les orientations du développement économique, c'est-à-dire la définition, la hiérarchisation et la caractérisation des fonctions attendues du développement économique, soient au centre du débat démocratique, c'est-à-dire au centre du débat politique.
2 Valeur économique des politiques de développement
2.1 Indicateurs sociétaux et utilité sociale des politiques publiques
Du point des sciences économique, il nous faut souligner que les indicateurs sociétaux de bien être, les indicateurs de développement humain, les indicateurs pour le progrès sociétal (quelque soit le qualificatif donné à ces indicateurs) mais aussi les indicateurs environnementaux, ne tentent de prendre en compte qu'un aspect de la valeur économique, celle de la valeur d'usage des politiques de développement ou d'un projet de développement spécifique. Les indicateurs d’une politique de développement sont conçus pour expliciter et formaliser les principaux objectifs sociaux ou sociétaux attendus de ces politiques, ils tentent en d’autres termes de rendre compte de l’utilité sociale de ces politiques.
La revue Alternatives Economiques, en coopération avec La Caisse des Dépôts et Consignation, a publié en septembre 2003 un dossier sur « l’utilité sociale de l’action publique et de l’entreprise privée ». La définition de l’utilité sociale proposée par ce dossier est particulièrement bien adaptée par rapport à notre réflexion sur la valeur des politiques de développement et plus généralement sur la valeur des politiques publiques . « S’interroger sur l’utilité sociale d’un bien ou d’un service, qu’il soit offert par un acteur public, une association ou une entreprise privée, revient à questionner le processus qui a permis de légitimer sa production. L’utilité sociale de l’action publique ne peut ainsi être développée qu’en donnant place à davantage de délibération collective, davantage d’évaluation pluraliste, de décentralisation et de délégation au profit de structures à l’écoute de la demande sociale »[6]. Le dossier souligne que l’atteinte des objectifs, qu’on mesure par des indicateurs de résultat, ne suffit pourtant pas à évaluer une politique publique. « Par exemple, l’évolution du taux de chômage est l’un des indicateurs qui permet de mesurer l’efficacité d’une politique de l’emploi. Mais il ne suffit pas, ne serait-ce parce qu’il est influencé par d’autres facteurs comme la conjoncture économique ; l’évaluation des politiques publiques se fait plus souvent en s’interrogeant sur leur pertinence, leur cohérence, leur efficacité et leur impact»[7].
Il n’est pas inutile de préciser les caractéristiques auxquelles doivent répondre l’évaluation d’une politique publique en termes d’utilité sociale :
- La pertinence : Les objectifs de la politique mise en place sont ils adaptés au besoin social ou au problème de société auquel les pouvoirs publics veulent répondre ?
- La cohérence : les différents objectifs de la politique mais aussi ceux des autres politiques forment ils un système cohérent ?
- L’efficacité : les effets spécifiques de la politique sont ils conformes à ses objectifs ? Les indicateurs sont conçus pour essayer de répondre à cette question
- L’efficience : les ressources financières mobilisées ont elles été bien utilisées et les résultats obtenus sont ils à la mesure des coûts ?[8]
L’approche en terme « d’utilité sociale », montre que la discussion des objectifs et la construction des indicateurs remplissent un rôle déterminant dans l’évaluation de l’utilité sociale d’une politique publique et donc dans celle d’une politique de développement, mais ils ne sont pas suffisants.
2.2 Limites des approches en termes d'indicateurs sociétaux de bien être
Dans les démarches d’évaluation des politiques publiques qui utilisent des indicateurs on peut noter que la caractéristique d’efficience de ces politiques est trop souvent ignorée. La question de savoir si les résultats obtenus sont à la mesure des coûts engagés est rarement posée.
La valeur économique d'un bien, d’un service comme celle d'une politique de développement ne peut pas se réduire à son simple aspect de valeur d'usage, elle doit aussi intégrer les aspects de valeur d'échange c'est à dire des coûts des ressources (exprimés en monnaie ou en temps dépensés) qui sont mobilisées pour l'obtenir. Les décideurs mais aussi tout citoyen doit savoir que la ou les valeurs d’usage de telle ou telle politique de développement sont obtenues par la mobilisation de tel ou tel volume de ressources.
Dans son document sur Reconsidérer la richesse, Patrick Viveret[9] propose de définir l’évaluation comme une délibération sur les valeurs. La délibération sur les indicateurs sociaux et sur les valeurs qui les fondent permet de définir l’évaluation (socio-politiques) d’une politique publique mais elle n’est pas suffisante pour définir une évaluation économique de cette même politique publique. Pour faire une évaluation économique, on a besoin de préciser ce qu’est la valeur économique. La valeur économique ne serait se limiter à un système de valeurs sociétales. Les travaux sur les indicateurs sociétaux révèlent, en fait, le déficit de réflexion des sciences économiques sur le concept de valeur économique.
2.2 Proposition pour définir la valeur économique d’un projet ou d’une politique de développement
La valeur économique d’un projet ou d’une politique publique ne peut pas s’apprécier par un chiffre, c’est une relation qu’on établit entre les résultats attendus (appréciés à partir d’indicateurs ) et les ressources mobilisées pour atteindre ces objectifs. C’est la même démarche que tout un chacun fait lorsque pour l’achat d’un bien on essaie d’estimer le rapport qualité / prix de ce bien, c’est à dire lorsqu’on fait le rapport des services attendus par ce bien à son prix d’acquisition.
Si on n’accepte pas la conception dominante aujourd’hui qui identifie prix et valeur économique, et si on pense que la valeur « travail » proposée par Marx ne prend en compte qu’un aspect de la valeur (sa valeur d’échange), force est de reconnaître que les solutions alternatives pour penser aujourd’hui la valeur sont quasi absentes.
Pour essayer d’avancer et de faire des propositions dans le domaine de l’évaluation des politiques publiques, il nécessaires de reprendre brièvement certains fondements de la valeur économique :
- Dans son ouvrage La Valeur (1943), dans lequel il propose une synthèse critique des différentes théories économiques de la valeur, François Perroux rappelle avec beaucoup de force, les enjeux théoriques et méthodologiques d’une réflexion sur la valeur : « Le prix, réalité très visible et à laquelle nul n’échappe, n’apparaît pas comme la réalité économique la plus profonde, ni comme la plus générale.(… ). L'analyse découvre donc au-delà du marché et du prix des jugements sur l'importance des biens, qui sont des phénomènes de valeur. Ces phénomènes de valeur se retrouvent dans tout système économique réalisé dans l'histoire ou construit par l'esprit. La valeur est donc un concept plus extensif que le prix. Si une théorie des prix ne peut être par construction qu'une théorie explicative de l'économie de marché; la théorie de la valeur peut être une théorie explicative de toute économie. Et choisir de poser les problèmes en terme de valeur, c'est choisir de rechercher le sens et les lois de toute économie quelle qu'elle soit. La théorie de la valeur représente l'effort de penser l'ensemble de la réalité économique en en poussant l'explication aussi loin et aussi profond qu'il est possible ». Il existe un lien entre valeur économique (avec son double aspect de valeur par l’usage et par l’échange) et prix.
- Dans son oeuvre The Principles of economics[10](1890), Alfred Marshall soulignait que la valeur doit intégrer les points de vue de l’offre et de la demande. Pour cet auteur, la valeur dépend des "deux lames d'un ciseau", d'un coté la demande reflète la satisfaction qu'un bien procure au consommateur ; de l'autre, l'offre révèle les préférences du producteur (notamment ses coûts de production). « Il serait tout aussi déraisonnable de discuter sur le point de savoir si c'est la lame supérieure ou la lame inférieure d'une paire de ciseaux qui coupe un morceau de papier que de se demander si la valeur est déterminée par l'utilité ou par le coût de production ».
- Cette compréhension de ce qu’est la valeur économique n’est pas éloignée de celle exprimée par Friedrich Engels dans son ouvrage "Esquisse d'une critique de l'économie politique" (1844). Dans cet ouvrage antérieur à sa rencontre avec Marx, F ; Engels propose de définir la valeur comme « le rapport du coût de production à l’utilité », soulignant que « la valeur sert tout d’abord à décider si d’une manière générale un objet doit être produit, si l’utilité compense le coût de production ».
On peut remarquer que la définition de la valeur économique proposée par Friedrich Engels est en cohérence avec la démarche d’utilité sociale et de sa notion d’efficience. L’utilité sociale d’un bien, d’un service ou d’une politique publique « revient à questionner le processus qui a permis de légitimer leur production » et la prise en compte de leur efficience consiste à se demander si « les résultats obtenus sont à la mesure des coûts » et plus généralement si les résultats obtenus sont à la mesure des ressources utilisées.
On peut noter que la valeur économique n’est pas une substance qu’aurait un bien, un service, ou une politique ; c’est le résultat d’un triple jugement de valeurs, ou plutôt le résultat d’une triple délibération sur les valeurs. Une première délibération sur les valeurs concerne les valeurs d’usage attendues de l’objet (ou de l’artefact) considéré. La deuxième délibération sur les valeurs est relative au rapport à établir entre son utilité et son coût. La troisième délibération est due au fait que la valeur économique d’un objet, qu’il soit un bien, un service ou une politique publique est toujours appréciée par rapport à d’autres biens, services ou politiques publiques déjà existant et/ou potentiellement concurrents. La valeur économique n’est pas une substance mais un ensemble de relations qui sont établies entre des biens, des services, des politiques en fonction de systèmes de valeurs et bien sûr d’un système de prix . Un système de prix est nécessaire pour le calcul des coûts, mais aussi pour déterminer les bénéfices monétaires attendus quand cette information est possible et nécessaire à la décision.
L’évaluation économique d’une politique développement et plus généralement de toute politique publique, doit permettre de répondre à la question : l’utilité de telle ou telle politique compense-t-elle l’ensemble des ressources qui seront nécessaires ou qui ont été nécessaires de mobiliser pour sa mise en œuvre. En fonction de ce que nous avons proposé de retenir comme définition de la notion de valeur économique, l’évaluation d’une politique publique nécessite de mettre en place trois niveaux différents de délibération sur les valeurs. Le premier niveau, celui concernant la valeur d’usage (l’utilité sociale) de ces politiques commence à se mettre en place dans certains territoires notamment quand ces politiques publiques s’inscrivent dans les perspectives d’un développement durable. Les deux autre niveaux de délibération qui obligent de construire une délibération sur la relation entre l’utilité d’une politique publique et son coût sont trop souvent absents des démarches d’évaluation concernant les politiques publiques. Cette absence est due principalement à une absence de réflexion sur le concept de valeur économique. Pour le moment les seules alternatives sont d’identifier valeur économique et valeur d’usage (ou valeurs sociétales) ou valeur économique et prix. Chacune de ces conceptions de la valeur économique ont fondé des démarches spécifiques d’évaluation, qui prennent en compte qu’une partie des enjeux de l’évaluation économique d’une politique publique.
2.3 Des indicateurs d’efficience comme émergence d’une nouvelle conception de la valeur économique
On a souligné précédemment que la définition de la valeur économique proposée par Friedrich Engels consiste à se demander si « les résultats obtenus sont à la mesure des coûts » et plus généralement si les résultats obtenus sont à le mesure des ressources utilisées.
On peut retrouver cette préoccupation dans l’analyse de la valeur, méthode de conception des produits industriels, proposée durant la deuxième guerre mondiale, pour faire face à la pénurie de certaines matières premières.
Plus récemment, les crises écologique, énergétiques et climatiques provoquées par le mode de développement économique mis en œuvre par les pays industrialisés ont conduit à concevoir de nouveaux indicateurs pour mesurer notamment l’efficience des projets de lutte contre les réchauffement climatique, l’efficience des ressources énergétiques ou plus généralement des ressources naturelles mobilisées pour produire des biens et des services donnés.
Le Coût marginal de réduction de la tonne de CO2
Valeur économique des projets visant à l'atténuation des effets de serre
Patrick Criqui, économiste et chercheur au CNRS (laboratoire du LEPII) a proposé, pour la rationalisation des décisions liées à la diminution des gaz à effet de serre, le concept de Coût marginal de réduction (CMR). Les CMR mettent en rapport les quantités à réduire et les coûts correspondant à chaque quantité; ils permettent selon les options de comparer les plus grandes réductions pour un coût donné. Sur un bâtiment par exemple, selon que l'on choisit une isolation par l'extérieur, le réglage d'une chaudière ou la pose de panneaux solaires, le coût de la tonne de CO2 économisé ne sera pas le même, il pourra varier du simple au triple, mais les consommations d'énergie ne seront pas les mêmes non plus. Cette méthode qui relève d'une approche coût efficacité, est très proche d'une démarche visant à comparer les valeurs économiques de différentes méthodes de réduction de l'émission d'une tonne de carbone.
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L'efficience énergétique
Toute l’histoire du développement économique est liée à une utilisation croissante d’énergie. Le mouvement ne peut que s’accélérer avec l’entrée en scène des pays émergents. Or il se heurte à deux contraintes de plus en plus fortes : l’épuisement programmé des principales ressources énergétiques fossiles et le réchauffement climatique à cause des émissions de gaz à effet de serre. Le dépassement de ces contradictions nécessitera une transformation profonde des modes de production et de consommation, de façon urgente au sein des pays riches et, très rapidement, au sein des pays émergents. Certains auteurs prônent un changement de paradigme énergétique, qui peut notamment s'expliciter par l'efficience énergétique. Les besoins des usagers (ménage, entreprise, collectivités) ne sont pas directement des produits énergétiques mais ils s’expriment par l’intermédiaire de l’acquisition de biens et de services. L'obtention de ces biens et ces services nécessite, pour être satisfaite, une certaine consommation d'énergie. « L'obtention d'un bien ou d'un service requérant de l'énergie, communément appelée service énergétique, S, est la combinaison de trois termes:
S = U A E
Le premier terme , "U" pour usage, caractérise la façon dont le service dont on a besoin va être obtenu : par exemple le mode de transport pour le déplacement, le type d'habitat, les caractéristiques du confort recherché pour le logement. Ce terme dépend en particulier du climat mais aussi des habitudes et des modes de vie et, et de façon plus générale du type de civilisation. Le deuxième terme "A" pour appareil, désigne l'équipement ou l'appareil utilisé pour obtenir le service demandé, si l'on prend l'exemple du confort de l'habitat, le terme A désignera les qualités techniques du logement et du moyen de chauffage utilisé, des appareils électroménagers, etc. Le troisième terme, "E" pour énergie, désigne la consommation finale d'énergie correspondant au service rendu S, dans les conditions d'usage "U" et de l'utilisation de l'appareil "A", "E" s'exprime en quantité d'un produit énergétique . Les termes "U" et "A" caractérisent les conditions dans lesquelles "E" est consommé. La quantité d’énergie "E" consommée pour un service rendu S donné varie considérablement selon l’usage "U", au sens de la définition large précédente, et l’appareil utilisé "A". Les exemples sont multiples : quantité de combustible nécessaire pour obtenir la même température à l’intérieur d’un bâtiment selon que celui-ci est bien ou mal isolé ; consommation de carburant selon le mode de transport pour un trajet donné ; consommation d’électricité pour le même éclairage selon qu’on utilise une ampoule à incandescence ou une ampoule fluo compacte, etc.»[11]
L'efficience énergétique S/E est un état de fonctionnement du service dans lequel la consommation d'énergie est minimisée pour un service rendu donné, une température donnée dans un bâtiment, un trajet donné, un niveau d'éclairage donné, par exemples. L'efficience énergétique permet de rendre compte de la valeur énergétique d'un type de logement donné ou d'un mode de transport donné par rapport à d'autres formes d'habitation ou de transport existant.
L'efficience énergétique correspond à la mise en œuvre d'un nouveau paradigme énergétique qui consiste à concevoir le système énergétique comme englobant non seulement l'offre mais également la consommation. Dans le cadre de ce nouveau paradigme, une stratégie de maîtrise de la consommation d'énergie consiste à élaborer et à mettre en œuvre des mesures et des programmes d'action pour transformer nos modes de consommation et de production .
L’efficience énergétique d’un service donné (un type de logement ou d’un mode de transport) exprime la valeur économique, du point de vue de la consommation d’énergie, de la solution choisie pour produire ce service par rapport à d’autres solutions possibles (autres type de logement ou autre ce mode de transport) pour produire ce service.
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MIPS = Material Input Per Service Unit
Le concept et la méthodologie MIPS ont été élaborées par l'Institut de recherche allemand, Wuppertal Institute for Climate, Environment and Energy, pour estimer l'impact environnemental de la production d'un produit ou d'un service.
MIPS indique la quantité de ressources naturelles utilisées pour élaborer un produit ou un service. La démarche MIPS intègre la consommation de ressources naturelles durant tout le cycle de vie d'un produit ou d'un service, de l'extraction des matières premières à son recyclage, et notamment ses différentes phases de production et d'utilisation. La logique de la démarche repose sur une séparation entre ce qui relève de l "écosphère" et de la "technosphère".
L'Institut de recherche de Wuppertal a calculé la quantité des différentes catégories de ressources naturelles pour de nombreux produits et services, ces informations qui sont actualisées d'une manière permanente sont disponibles sur le site de cet Institut.
Consommation de ressources naturelles pour la production et l'usage d'un T-shirt en coton
MIPS est très utile pour trouver la ou les solutions qui permettent de diminuer les quantités de ressources naturelles consommées pour un produit ou un service donné. Dans ce type d'approche, on calcule l'intensité en matières premières par service : MI/S. Mais on peut aussi utiliser cette méthode pour augmenter l'efficience des ressources naturelles pour un service donné : S/MI.
L'efficience en ressources naturelles pour produire un service donné permet ainsi d'apprécier la valeur économique, du point de vue de la consommation de ressources naturelles, de la solution choisie pour répondre à ce service par rapport à d'autres solutions possibles ou d'autres solutions à trouver.
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L’empreinte écologique
Le calcul de l’empreinte écologique « L’empreinte écologique mesure la surface des sols et d’espaces aquatiques bioproductifs nécessaires à une société donnée pour fournir les ressources biologiques nécessaires à son niveau de consommation durant une année donnée :»[12]. L’empreinte écologique d’une société mesure donc la consommation nette par cette société des ressources issues de la biosphère ; c’est à dire que dans l’empreinte écologique d’un territoire sont pris en compte les consommations de ressources de la biosphère intégrées dans les importations, par contre sont déduites les ressources intégrées dans les exportations. Le calcul de l’empreinte écologique d’un territoire ou d’une société donnée s’établit à partir de cinq grandes catégories de consommation : produits des cultures, produits animaux, pêcheries, produits de la forêt, terrains bâtis.
Pour calculer l’empreinte écologique liée aux consommations des ressources biologiques renouvelables (céréales, légumes, fibres textiles, lait, viande, laine, cuir, poissons, bois de construction, bois de chauffage, bois pour papier, ….), la méthode consiste pour chaque catégorie de production, à diviser la quantité de ressource consommée (en tonnes/an) par le rendement global (en tonnes par hectare et par an), avant d’ajuster ce chiffre en fonction du facteur d’équivalence correspondant (en hectare global par hectare).
Le calcul de l’empreinte écologique liée aux consommations d’énergie fossile, pose un problème particulier, puisqu’elles sont tirées du sol et n’occupent pas en conséquence une surface de sol bioproductive. Deux approches sont possibles : « soit évaluer la surface de terre ou de mer bioproductive qui serait nécessaire pour produire une quantité équivalente d’énergie à partir de la biomasse (hypothèse de substitution) ; soit évaluer la surface bioproductive nécessaire pour assimiler les déchets générés (notamment le CO2) par l’utilisation de ces énergies fossiles (hypothèse de séquestration). C’est cette deuxième approche qui a été préférée jusqu’à maintenant.
Résultats
C’est à partir de 1987, que l’empreinte écologique exprimée en « hectares globaux » a dépassé pour la première fois la biocapacité mondiale. Depuis cette date, les activités humaines sollicitent chaque année plus de services issus de la biosphère que celle-ci est capable d’en régénérer. Notons que sur la période de 1961 à 2003 l’empreinte écologique de l’humanité a quasiment triplé.
Il est important de souligner, que si on voulait élargir à l’ensemble du monde le mode de consommation, et de production de l’Union Européenne, il nous faudrait disposer 2,7 planètes Terre. Si chaque habitant de la planète avait une empreinte écologique similaire à celle des Nord-Arméricains, il nous faudrait alors 5,2 planètes. « L’Europe et l’Amérique du Nord qui rassemblent moins de 17% de la population mondiale, comptent pour près de la moitié de la l’empreinte écologique globale ».[13] . Une minorité de la population a une empreinte écologique supérieure à la biocapacité globale, tandis que la majorité de la population mondiale a encore une empreinte écologique inférieure à la biocapacité mondiale.
Du point de la valeur économique, l'empreinte écologique permet d’évaluer pour une société donnée ou un territoire donné, la quantité de ressources biologiques fournies par la biosphère pour satisfaire les besoins de cette société ou de ce territoire. Le calcul de l’empreinte écologique permet d’évaluer la valeur économique, du point de vue de l’utilisation des ressources biologiques, du mode de développement choisi par une société ou un territoire.
De manière plus fondamentale, le calcul de l’empreinte écologique permet de tester la durabilité ou la soutenabilité du mode de développement initié par les pays industrialisés. La réponse est claire, notre mode de développement est insoutenable par rapport aux capacités biogénératives de la Terre. Ce mode de développement est donc dans un processus de destruction de la biosphère, mettant ainsi en péril toute forme de vie sur la Terre.
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2.4 Comment définir la richesse économique d’un pays, d’un territoire
Soulignons que le manque de réflexion sur la valeur économique a des répercussions importantes sur la notion de richesse économique, d’un pays par exemple. Cette dernière est identifiée soit à la croissance, et plus précisément à la croissance du PIB, soit aux objectifs et aux résultats attendus d’une politique de développement. En fonction de la notion de valeur économique proposée précédemment, la richesse d’un pays, d’un territoire c’est la capacité qu’ont les groupes sociaux de ce pays ou de ce territoire :
- de construire des compromis sur les objectifs de développement et donc sur les valeurs qui les fondent
- de produire, en cohérence avec les objectifs de développement, un surplus économique pour le financement des ressources mobilisées dans le processus de développement en cours et plus encore pour investir dans de nouvelles ressources .
L’indicateur de développement humain du PNUD, qui a pour objectif de mesurer le progrès de développement des pays en termes de santé, d’éducation, de revenu (PIB par habitant), est une première réponse pour essayer d’estimer ce qu’est la richesse d’un pays. Rappelons que cet indicateur mesure un résultat et ne donne aucune information sur les consommations de ressources - ressources financières bien sûr, mais aussi ressources naturelles, ressources humaines - que ce pays a utilisé pour atteindre ce résultat. Entre deux pays ayant connu la même évolution de son indicateur de développement humain sur la même période, le plus riche, économiquement parlant si on reprend la notion de valeur proposée par F. Engels, sera celui qui aura utilisé moins de ressources pour atteindre le même résultat. Entre deux pays ayant utilisé durant, la même période, le même volume de ressources pour mettre en œuvre leur développement, le plus riche sera celui dont l’utilité des biens et services produits sera plus importante pour sa population (y compris pour les générations futures). Dans cette démarche de la valeur économique, la richesse économique n’est pas un résultat (à la différence de l’indicateur de développement humain du PNUD, ou du PIB), mais un processus de valorisation, de mise en valeur de ressources et notamment de ressources humaines. D’autre part, la richesse économique de tel ou tel acteur économique, est toujours une notion relative, elle se définit toujours par rapport à la richesse d’autres acteurs économiques. Il en est de même de la valeur économique ; la valeur économique d’un nouveau bien, d’un nouveau service, d’une nouvelle politique de développement, du point de vue de tel ou tel acteur économique, ne peut être appréciée que par rapport à d’autres biens, services ou politique de développement déjà existant
En fonction de la notion de valeur économique proposée par F. Engels, la richesse économique d’un pays, d’un territoire, d’une entreprise d’un individu pourrait alors être appréciée à partir de la mise en œuvre, ou plutôt de la « valorisation » économique de leurs potentialités, de leurs talents, de leurs savoir-faire, de leurs « capabilities » spécifiques pour reprendre une expression de l’économiste indien, Amartya Sen, prix Nobel d’économie. C’est ainsi qu’on pourra redécouvrir que « les pauvres sont plus riches qu’on ne le croit » comme nous l’invite de la faire l’économiste péruvien Hernando de Soto[14].
Mais dans une économie mondialisée, il nous faut savoir que la richesse économique d’une nation, dépend aussi des capacités de ses différents acteurs économiques, politiques, culturels, à capter les flux commerciaux, financiers, informationnels pour les valoriser en fonction de leurs objectifs spécifiques. Dans une économie mondialisée qui doit faire face à des défis majeurs - montée des menaces écologiques et des changements climatiques, mais aussi montée de la colère des populations toujours plus nombreuses qui sont enfermées dans des situations de pauvreté de plus en plus intolérables - les politiques de développement de chaque nation, de chaque territoire, de chaque entreprise se doivent d’intégrer les perspectives et les objectifs d’un développement durable à l’échelle de la planète. Si la crise financière a révélé la nécessité de mettre en œuvre une certaine gouvernance de la sphère financière à l’échelle de la planète, une gouvernance économique et politique encore plus contraignante et plus élaborée sera nécessaire pour que la vie soit encore possible sur la planète Terre pour les générations futures du Nord comme du Sud.
[1] Cette approche a pour but de recenser tous les effets (positifs et négatifs) d'un projet et de les évaluer en termes monétaires actualisés.
[2] Il est difficile d'évaluer d'une manière monétaire tous les coûts d'un projet et notamment des coûts externes supportés par la société, il en est de même des avantages attendus. De plus le choix d'un taux d'actualisation n'est jamais neutre. Si le taux d'actualisation est élevé, la valeur actuelle des avantages attendus d'un projet dans les années à venir est faible et celle des coûts engagés pour sa réalisation est élevée.
[3] Bernard Perret, Les enjeux épistémologiques de l’évaluation, in Conseil scientifique de l’évaluation, L’évaluation en développement, La Documentation Française, Paris 1997
[4] Pierre Brechon, Les valeurs en politique, in Economie et Humanisme, Les valeurs dans la société française, Economie et Humanisme, Lyon, 2002
[5] Economie et Humanisme, Les valeurs dans la société française, Economie et Humanisme, Lyon 2002
[6] L’utilité sociale, Alternatives Economiques, Hors Série Pratique, N°11, septembre 2003, p.28
[7] op. cit p.29
[8] Bernard Perret, L’évaluation des politiques publiques, La Découverte, Paris 2001
[9] Patrick Viveret, Reconsidérer la richesse, Rapport au Secrétaire d’Etat à l’Economie solidaire, Paris 2002
[10] Livre 5, chapitre 3
[11] Bernard Laponche, Prospective et enjeux énergétiques mondiaux, un nouveau paradigme, Agence française de développement, janvier 2008
voir aussi le site de Global Chance, association de scientifiques et d’experts partageant la conviction qu’un développement mondial plus équilibré peut et doit résulter de la prise de conscience croissante des menaces qui pèsent sur l’environnement global, www.global-chance.org
[13] Aurélien Boutaud, Natacha Gondran, L’empreinte écologique, La Découverte, Paris 2009, p. 94
[14] Hernando de Soto, Le Mystère du capital, Flammarion, Paris 2007, voir aussi son interview dans le Monde 2 du 8 nov.2009