L’Economie à venir
Globalisation et mondialisation (Préface de A. Supiot)
On ne pourra conjurer les forces centrifuges entrainées par la globalisation, dernier avatar du messianisme occidental, sans se donner les moyens de penser les conditions d’une véritable mondialisation, qui tienne compte à la fois de la diversité et de l’interdépendance objective de tous les pays du monde face aux défis écologiques ou sociaux.
Les sciences sociales participent de la globalisation lorsque singeant les sciences exactes, elles prêtent une portée universelle et intemporelle à leurs catégories de pensée, sans prendre consciences de l’enracinement de la plupart de leurs concepts dans l’histoire et la culture occidentale » p17
Voir aussi le livre dirigé par Supiot Mondialisation ou globalisation ? Les leçons de Simone Weil, Paris, ed. Collège de France 2019
Le problème de notre temps n’est pas de choisir entre globalisation et repliement identitaire : on ne peut ignorer ni la diversité des pays, ni leur interdépendance croissante face aux périls écologiques et sociaux qui les affectent tous. La langue française permet de dépasser ce faux dilemme avec la distinction qu’elle autorise entre globalisation et mondialisation. Globaliser, c’est œuvrer au règne du Marché, de la croissance illimitée, de la flexibilisation du travail et de l’hégémonisme culturel. Mondialiser consiste à établir un ordre mondial respectueux de notre écoumène, du travail humain et de la diversité des peuples et des cultures.
Le présent ouvrage explore cette perspective à la lumière de l’œuvre visionnaire de Simone Weil. Il revisite ses réflexions sur l’enracinement, la liberté et l’oppression, pour penser tour à tour notre « milieu vital » (dont la destruction s’accélère aujourd’hui), le concert des civilisations, les conditions d’un travail non servile, ainsi que les bons et mauvais usages du droit.
Le besoin d’un grand projet
Nous manquons d’un grand projet. Un grand projet qui offre des fins universalisables qui peuvent engager les uns et les autres dans une construction sociétale positivement qualifiée.
Les seules anticipations qui semblent encore enthousiasmer sont celles d’un futur technologique ou d’un posthumanisme. p28
Votes populistes ; Un grand ressentiment, L’Age de la colère
Voir Pankaj Mishra , L’Age de la colère, Une histoire du présent, ed Zulma 2019
Une vision européenne des Lumières a été diffusées à l’échelle planétaire, la promesse d’une utopie partagée, on l’a propagée aux quatre coins du village-monde p30
Une rationalité stratégique qui refuse de s’interroger sur les fins ultimes de notre existence collective est capable de conduire au goulag et à Auschwitch («école de francfort) p31
Capitalisme, définition
Capitaliser, c’est transformer une ressource (matérielle ou symbolique) en un capital. C’est-à-dire quelque chose qui doit me rapporter des revenus dans le futur, revenus que je suis capable d’anticiper, d’évaluer et d’actualiser, pour en tirer la somme actualisée des flux de revenus futurs, dont je déclarerai qu’elle est exactement la valeur de mon capital aujourd’hui. C’est transformer une forêt une machine, une œuvre d’art, un être humain en un capital. (..) Sortir du capitalisme, c’est quitter le credo qui voudrait que tout puisse devenir un capital. Cela va beaucoup plus loin que mettre un cran d’arrêt à la seule extension de la propriété privée. Le capitalisme naît au cœur du Moyen Age et non pas avec les Lumières p56
Fins et moyens
Distinguer une rationalité des fins (chez Kant ) orientée par un telos, une cause finale, et une rationalité instrumentale. Distinguer la fin poursuivie et les moyens – toujours limités – choisis poury parvenir est une condition fondamentale de sortie de la confusion. De cette méprise nous attribuons une finalité à nos instruments p58
Démocratie, différence entre Rome et Athènes
Ce qui avait était central dans l’Empire romain, c’était la construction d’un Droit qui prétendait légiférer sur l’ensemble de la vie sociale et qui lui-même était une utopie politique. Le droit romain était une simple collection de règles pragmatiques, destinées à régler au mieux les litiges. Ce qui n’est pas très éloigné de la manière dont beaucoup de post-libéraux se représentent la fonction du Droit. Athènes, elle, n’avait pas de Droit mais vivait une authentique utopie politique, la démocratie. La différence entre Athènes et Rome est que Rome n’a plus d’utopie, plus d’horizon eschatologique – comme une partie d’entre nous aujourd’hui (..) La grande révolution du pape Grégoire VII, au XIè siècle, aura été le moment inaugural où des théologiens et juristes médiévaux ressuscitent plus ou moins le droit romain sous la forme du droit canonique, lequel sera ensuite copié par tous les Etats européens et finalement par tous les Etats modernes occidentaux. Tous vont s’inspirer du droit canonique pour écrire leur droit civil. Le premier Etat occidental moderne, pour le meilleure et le pire, c’est l’Eglise catholique grégorienne ! voir la définition wébérienne de l’Etat p 67
L’imaginaire gestionnaire qui envahit nos consciences et nos institutions est lié au croisement de l’institution sociale de la capitalisation et de la propriété privée dont nous héritons du droit romain via la médiation des théologiens grégoriens. Et la sacralité de la propriété privée (affirmée solennellement par la Déclaration de 1789 , c’est là une autre ambiguïté fondamentale des Lumières) devient toute puissante quand elle parvient à subordonner l’appareil d’Etat (exemple du secteur bancaire) p74
Teranga : une anthropologie relationnelle p76
Les conséquences de la séparation symbolico-reliegieuse entre le monde latin et l’empire byzantinp93