L’homme, une espèce déboussolée, Anthropologie générale à l’âge de l’écologie

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Titre de l'ouvrage: 
L’homme, une espèce déboussolée Anthropologie générale à l’âge de l’écologie
Auteur(s) de l'ouvrage: 
François Flahaut
Date de parution de l'ouvrage: 
Janvier 2018
Date de rédaction: 
Février 2019

« Les connaissances actuelles ne confirment pas la conception de l’homme à laquelle nous sommes habitués »

« L’écologie est une avancée scientifique qui consiste à penser le vivant en relation avec ce qui le fait vivre, à penser ensemble l’organisme et son biotope » p13

«  Notre culture occidentale nous a habitués à concevoir notre intériorité comme une substance auto-existante dont l’activité fondamentale consiste à penser et à connaître, et non à se maintenir en vie »[1]

Chapitre introductif

L’expérience du dédoublement entre la conscience et son objet, ainsi que de la séparation entre le for intérieur et le monde extérieur constituent la racine sur laquelle s’est greffé, dans la culture occidentale, le dualisme opposant matière et esprit, corps et âme p19

« En dehors du darwinisme, d’autres connaissances ont émergé au cours du XX siècle qui ont, elles aussi, considérablement modifié notre conception de l’homme »

« L’individu ne tombe pas du ciel : il y a des hommes parce qu’il y a des relations entre eux, et non l’inverse. Il y a économie parce qu’il y a d’abord société, et non l’inverse »[2] p29 « l’expansion mondiale des formes d’activités économiques en vigueur continue de se réclamer  d’une conception de l’homme et de la société scientifiquement dépassée » p30

 

De quoi sommes nous faits ? Ancien et nouveau paradigme

Le cerveau de l’homo sapiens n’est pas seulement une partie de son corps : c’est une éponge imprégnée de son milieu de vie p31

Ancien paradigme : nous nous percevons spontanément (nous Occidentaux) comme des individus. « un moi, autour duquel s’étend le monde, le non-moi » Pascal « L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant (…) Toute notre dignité consiste donc dans en la pensée ». Conception de Platon des 3 étages de l’âme. Descartes, l’un des plus grands représentants de l’ontologie classique (ontologie : philosophie de l’être, science de l’être en tant qu’être)

Spinoza apparaît comme un précurseur du paradigme contemporain qui s’est par la suite principalement élaboré à la faveur des « conférences Macy » (1942-1953)  en liaison avec la théorie de l’information, les sciences cognitives et l’informatique.

Le paradigme contemporain met l’accent sur le fait que l’individu n’est pas extérieur à son milieu de vie. Francisco Varela

Du paradigme scientifique contemporain à une autre ontologie

« Nous voyons bien que nous dépendons de la nourriture que nous mangeons, de l’air que nous respirons, l’alternance du jour et de la nuit : écologie physique ; il nous est cependant plus difficile de prendre conscience de l’écologie psychique dont nous dépendons. Pour passer de l’ontologie substantialiste à une ontologie relationnelle, il nous faut intégrer et assumer le fait que nous dépendons de toutes sortes d’aléas qui ne dépendent pas de nous. On croyait pouvoir maîtriser et voilà qu’il nous « faut faire avec ». C’est sans doute la raison ou l’une des raisons pour lesquelles le nouveau paradigme scientifique peine à déboucher sur la cosmologie à laquelle il conduit pourtant nécessairement p43.

Etre conscient de soi : séparation du monde ou certitude d’exister ?

Spinoza est un des rares auteurs qui n’ont pas pensé le désir comme désir de quelque objet , mais plus fondamentalement comme désir d’exister (ou force d’exister)

« en tant qu’il vit un organisme ne se réduit pas à ce qui fait son identité, à son individualité. Il ne peut être circonscrit puisque vivre est une activité qui implique d’’interagir avec un milieu de vie (..) A cet égard, la distinction entre soi et non-soi n’a plus guère de sens, c’est pourquoi des biologistes en sont venus à penser que le concept d’individu est inadéquat, ou au moins insuffisant pour rendre compte du vivant. D’une écologie restreinte à la vie biologique, nous pouvons et nous devons passer à une écologie généralisée incluant la vie psychique. Du fait que je suis conscient, je me distingue des autres et de tout ce qui m’entoure. Mais cela n’est pas suffisant pour que j’éprouve le sentiment d’exister : je ne suis que l’un des composants de l’activité symbiotique grâce à laquelle je me sens vivre et exister. Faute de cette symbiose, mon état conscient n’est qu’ennui, moins-être ou même inexistence p ;48

Pour aider à se penser comme vivant, on gagne à regarder du coté de la culture chinoise

Herbert Simon : « une théorie bien installée survivra aux assauts de l’évidence et des observations empiriques qui la réfutent, aussi longtemps qu’on ne proposera pas une théorie compatible avec ces évidences pour la remplacer » cité par JL Lemoigne, Les épistémologies constructivistes, p.52

Chapitre 1 Impressions et observations de la vie commune

« Dans la manière dont nous nous représentons habituellement l’adulte et l’enfant, nous sommes portés à souligner les différences à notre avantage. (..) lorsque l’on considère l’adulte et l’enfant en tant qu’ils sont vivants – donc fondamentalement animés par le désir d’exister – ils apparaissent beaucoup plus proches l’un de l’autre » p73

 

Chapitre 2 Sujet extérieur au monde et matérialisme : une curieuse alliance

« Chacun vit le fait d’être conscient comme l’évidence de coïncider avec l’origine de soi »p77

La culture occidentale a relayé cette fausse évidence et l’a renforcée en diffusant des représentations de nous-mêmes qui l’accréditent en privilégiant la notion de substance (l’âme ou l’esprit et le corps sont de substances différentes) – très loin donc , du paradigme scientifique actuel, attentif aux interactions, rétroactions et relations entre un phénomène et le milieu dans lequel ou grâce auquel celui-ci se produit » p77

Le « je suis », noyau intérieur

La conception platonicienne et chrétienne de l’âme, le cogito de St augustin. Descartes, Kant

Sujet extérieur au monde et naissance de la physique

L’esprit scientifique et le matérialisme ne se sont pas seulement constitués contre la vision du monde dualiste, mais aussi grâce à elle » p86

Croyance matérialiste : seul ce qui est matériel est réel

Le psychisme : quelle réalité ?

Le psychisme étant le fruit d’un ensemble symbiotique complexe (corps, langage, culture, société, relations avec les autres, avec le milieu physique, l’activité qu’il déploie pour « persévérer dans son être » (selon la formule de Spinoza), n’est pas seulement biologique, elle est elle-même composite. Ainsi nos représentations, tout en nous permettant de développer des formes supérieures d’adaptation à l’environnement, contribuent aussi à la construction et au soutien de notre existence psychique ».

La conscience qu’un être humain a de lui-même s’accompagne inévitablement d’une zone d’ombre concernant ce qui fait qu’il est lui (si conscient qu’il soit de lui-même et de ce qu’il pense, l’homme ne s’est pas donné naissance à lui-même).

Chapitre 3 La connaissance de l’homme entre biologie et sciences humaines

L’histoire de l’homme fut d’abord une histoire  de la vie avant d’être une histoire sociale et culturelle p107

Nature et culture

« notre être intérieur, notre self, se constitue grâce aux interactions entre notre organisme, les autres et la culture dans laquelle nous baignons. Dans la mesure où les institutions, la culture, le langage, me constituent, il n’y a guère de sens à dire qu’ils agissent sur moi de l’extérieur puisque ce moi n’existe pas sans eux » p 115 (symbiose)

Les sciences humaines n’ont pas pour objet des organismes, mais des représentations mentales et des comportements qui impliquent intentionnalité et significations p120

 

Chapitre 4 Histoire de l’homme : l’adaptation explique-t-elle tout ?

« Ce n’est pas l’homme qui a fait la société, c’est la vie en société qui a rendu possible l’émergence de la culture, et ce sont l’une et l’autre qui ont fait l’homme »

Epigénétique : « On a pu montrer qu’un caractère acquis par une jeune souris au contact de sa mère d’adoption se transmettait à sa descendance. La distinction entre l’inné et l’acquis n’a donc plus véritablement de signification. » p125

La pensée occidentale a toujours mis en avant la fonction utilitaire de la culture matérielle. Le lieu commun antique disait déjà que l’homme nu, dépourvu de crocs, de griffes et de fourrures a compensé ses faiblesses natives grâce à son intelligence technique » p136

« Il faut rompre avec la croyance, profondément enracinée dans le monde occidental, selon laquelle l’individu précède la société »p139

 

Chapitre 5 Coévolution, attention conjointe et origine des cultures humaines

« Ce chapitre porte sur l’une des étapes fondamentales de l’émergence de la culture, le développement dans les interactions sociales de l’attention conjointe : deux ou plusieurs personnes interagissent sur la base de l’intérêt qu’elles portent à un même objet, matériel ou immatériel »

« L’adaptation au milieu et la création d’un nouveau milieu ne sont pas des processus séparés. (exemple des castors). Chez nous humains, la création du milieu dans lequel nous vivons ne s’effectue pas seulement sous la pression du milieu préexistant et pour s’adapter à celui-ci. Le milieu que forment les cultures humaines résulte également des interactions entre membre d’un groupe ou d’une société, créant ainsi une monde commun qui peut être en partie déconnecté du milieu ambiant » p 141

Les cultures humaines sont qualitativement différentes de ce qu’on appelle les « cultures animales ». Même les sociétés techniquement les moins avancées, vivaient au sein d’un monde commun constitué  par des représentations collectives complexes » p142

 

Quelques exemples de coévolution entre espèces différentes : Exemple des plantes à fleur et des pollinisateurs

Coadaptation  et coévolution entre membres d’une même espèce : les parades animales  qui confèrent un plus grand succès à ceux qui les portent et ces traits sont sélectionnés  et tendent à s’accentuer de génération en génération.

Coadaptation et coévolution entre membres de l’espèce humaine : « L’ histoire du blue-jean témoigne d’une analogie culturelle avec l’évolution de certains phénotypes sous la pression de la sélection sexuelle »

Structure triangulaire de l’attention conjointe et réalités « autoréférentielles »

« Tous les comportements sociaux et culturels humains mettent à contribution une capacité dont nous avons vu une amorce chez les chimpanzés et d’autres animaux : l’attention conjointe aptitude à s’engager à plusieurs dans un processus commun (voir livre Michael Tomasello) . Cette aptitude implique une triangulation : chacun fait attention à l’autre de manière à se coordonner avec lui tout en faisant attention à l’objet  ou l’activité qui devient par activité ou objet commun » p158

Développement de l’attention conjointe chez les bébés p159

Dans l’attention conjointe, « les choses ne sont plus perçues et identifiées dans le seul cadre de la relation entre l’organisme et le milieu ; le mode d’existence qu’elles revêtent aux yeux de chaque individu est désormais lié au rôle qu’elles jouent dans ses relations avec les autres. Au point que certaines choses (matérielles ou immatérielles) n’ont d’intérêt et de valeur – voire n’ont d’existence – que dans ce cadre et grâce à lui » p160

Les premiers jeux dans lesquels un objet est manipulé à tour de rôle préparent le terrain pour des formes de coopération et de synchronisation plus élaborées (l’acquisition du langage, apprendre par enseignement). L’acte de montrer du doigt est un précurseur du langage

« Ce qu’on appelle la théorie de l’esprit, c’est-à-dire la capacité de se représenter les intentions et autres états mentaux de l’autre, se développe à la faveur des interactions coordonnées , d’abord duelles puis médiatisée par l’attention conjointe et la coopération. On peut même dire que l’accès de l’enfant à ses propres états mentaux est lui aussi rendu possible grâce à ces interactions et que le « nous » précède le « je ». p161

« Les activités humaines ne sont pas seulement médiatisées par des objets matériels, mais aussi par des choses immatérielles (des représentations), par des scénarios de pratiques relationnelles intériorisées par les partenaires, par des emplois du temps, des règles des institutions, des calendriers, des récits, etc. De tels phénomènes sont dits « émergents » au sens où ils résultent du jeu des interactions. Les spécialistes les qualifient également de réalités « autoréférentielles », voulant dire par là que ces « réalités » n’ont pas, comme les arbres, les rochers, la lune , le soleil, une existence indépendante des individus, mais qu’elles existent pour chacun dès lors que tous pensent qu’elles existent : les mots d’une langue, les entités invisibles (les heures, les années, les euros, et d’une manière générale les institutions) » p163

« Pour se construire un monde habitable, les humains meublent leur environnement  de représentations, de repères liés à l’espace et au temps, à leurs relations de parenté, en attribuant différentes qualités aux lieux, au jour à la nuit…

« Toutes les sociétés humaines sont exposées à la difficulté du fondement de l’autoréférentiel, à la différence des sociétés de singes qui, n’étant pas structurées par des institutions et des croyances, échappent à cette source d’angoisse, de conflits, et d’errements » p167

 

Michael Tomasello voit dans la coopération et l’altruisme (opposée à la compétition) le principal bénéfice apporté par le développement de l’attention conjointe. L’intentionnalité partagée et le mutual knowledge (représentations communes ou collectives ) se traduisent, pense-t-il par cette construction de niche qu’est la culture humaine, plus riche et plus complexe que les protocultures animales » p 169 (voir la note du début du chapitre suivant)

 

Chapitre 6 Notre cerveau suffit-il à faire de nous des êtres conscients

 « Le milieu auquel chacun doit s’adapter n’est plus seulement constitué de son environnement matériel »

Dans la culture occidentale, depuis Saint Augustin, la conscience de soi est considérée comme un trait essentiel de l’être humain. Au XXème siècle, la conscience est devenue le thème majeur de la philosophie ». « la chose qui pense, c’était l’âme, désormais avec les neurosciences cognitives, c’est le cerveau » p171

La conscience est-elle dans le cerveau ?

L’ancien dualisme de l’âme et du corps a été remplacé par celui du cerveau et du reste du corps

 Varela : « La cognition dépend des types d’expériences qui découlent du fait d’avoir un corps doté de diverses capacités sensori-motrices »

La conscience de soi doit aussi aux relations avec les autres

Sentir son corps fait partie de la conscience que nous avons de nous-mêmes

« Nous acceptons mal de voir la conscience que nous avons de nous-mêmes réduite à une capacité cognitive au service de l’adaptation de notre organisme. Sous cette thèse, explicitement défendue par Damasio, persiste donc chez lui (comme en nous tous) une psychologie impensée, mais vécue et agie. Celle-ci le conduit , en contradiction avec sa thèse , à accorder discrètement au lecteur que son corps est à son service, autrement dit qu’il existe inconditionnellement en tant que quelqu’un  » p 188

« Les passionnantes explorations du cerveau par les neurobiologistes, tout en étant indispensable pour l’étude de la conscience de soi ne sont pas suffisantes pour rendre compte de ce que nous sommes »

Gérard Edelman : « La conscience d’ordre supérieur dépend de la construction d’un moi à travers des échanges affectifs intersubjectifs »

 

Chapitre 7 Le bébé dans son devenir humain

« La relation à l’autre ne se forme pas à partir de la conscience de soi ; c’est au contraire sur la base de la relation à l’autre que se développe la conscience de soi » p190

Les neurones miroirs et l’empathie ? p 196

La conscience de soi, comme l’usage de la parole et d’autres capacités humaines se transmet des parents aux enfants p197

« A la différence du cœur et des poumons du fœtus au moment de la naissance, le cerveau humain n’est pas un organe qui s’active de lui-même, il s’active au contact d’autres cerveaux déjà actifs »

 

Chapitre 8  Ton nom t’est donné, ton corps t’est prêté

«  Les cultures humaines ne créent pas seulement le milieu dans lequel nous vivons, mais aussi notre intériorité, ce sujet, ce « quelqu’un » inséparable de l’organisme que nous sommes : Homo sapiens est un hybride biologico-culturel » p205

« Les interactions sociales et la culture contribuent de manière décisive à la constitution de soi et de la conscience de soi. Que nous soyons croyant ou athées, la conception occidentale de l’individu nous porte à croire que le substrat de notre être est à l’intérieur de chacun d’entre nous » p 211

« Le conte de Mille et Une Nuits nous rappelle que l’individu ne peut pas se donner à lui-même la réponse à la question « Qui suis-je ?» il doit passer par autrui »

L’homo sapiens est un hybride biologico-socio-culturel.

 

Chapitre 9 Plaisir et douleur

« Les traits fondamentaux de la condition humaine et de la culture ne peuvent pas être compris sans considérer l’émergence du plaisir  et de la douleur chez les vertébrés et les formes que revêtent ces affects chez l’homo sapiens » p238

Spinoza « persévérer dans son être »

« Plaisir et déplaisir ne sont pas seulement des signaux d’informations. Ce sont aussi des états d’accroissement ou d’amoindrissement du vivre, de plus être ou de moins être » p 254

« Notre conscience cognitive est pour ainsi dire enchâssée dans note conscience affective. Le désir nous meut indépendamment de la pensée réfléchie ; mais celle-ci, soulignait déjà Aristote , ne nous meut pas sans désir » p 256

« Etre conscient, pour nous êtres humains, n’est pas seulement être doté d’une capacité d’adaptation supérieure ; être conscient de soi est une forme de vie spécifique, celle d’un vivant qui n’existe pas être seulement « en soi », mais aussi « pour soi » : par et pour l’expérience qu’il fait de lui-même. Plaisir et douleur sont des expériences utiles à l’adaptation de l’organisme. (..) la douleur a beau être un signal utile à l’organisme, elle est perçue comme un mal. Quant au plaisir, il n’est pas seulement utile, il est vécu comme un bien en lui-même, un bien qui peut faire défaut. Ainsi tout en étant extraordinairement adaptable l’espèce humaine souffre d’une inadaptation chronique ; il y  a dans la condition humaine « quelque chose qui ne va pas» p258

« Les niches écologiques que construisent les humains ne visent pas seulement à protéger leur existence biologique, elles doivent également soutenir leur existence psychique » p259

 

Chapitre 10 Concordance et discordance entre niveaux d’organisation

Chaque niveau (cellule, organe, organisme, individu, groupe, société) constitue un milieu spécifique dont l’équilibre implique une économie qui lui est propre, il subsiste une autonomie relative des niveaux les uns par rapport aux autres

La théorie de la  « main invisible » qui veut que chaque acteur économique agissant en vue de son propre intérêt, le bien général résulte de la somme des actions individuelles

Le désir d’exister est plus pressant que celui d’être heureux ; chacun de nous s’efforce d’exister en intériorisant les manières d’être qui ont cours dans le cercle auquel il appartient p293

 

Chapitre 11 Au fil du temps au bord du vide

Comme l’a bien vu Marcel Mauss, à quelque culture que l’on appartienne, on a besoin de savoir « à quoi s’attendre », notamment dans les relations avec les autres. Toute société est un système d’attentes p302

Les représentations mentales p303

 

Chapitre 12 Du désir d’exister  à ses multiples modes de réalisation

« Pour que le désir d’exister soit à proprement parler un désir de « persévérer dans son être », comme le dit Spinoza, il faudrait qu’il soit originellement doté de son être » p318

Aristote et la sensation d’exister

Importance de distinguer le sujet connaissant et le sujet existant, le sujet connaissant n’est qu’un mode de réalisation du sujet existant p322

Les voies de réalisation du désir d’exister

Plaisirs et bonheur. Le bonheur suppose un état durable de réalisation de soi

Le plaisir de faire et de réussir à faire

Plaisir et joie de sentir vivre en exerçant ses capacités

Le désir d’exister se manifeste inévitablement comme désir d’exister  dans l’esprit des autres et fondamentalement aussi comme désir d’exercer une puissance d’agir.

Le désir d’exister est plus fort que la volonté de savoir. Il tend à parasiter, voire à instrumentaliser le savoir

 

Chapitre 13 La parole

La linguistique de Chomsky est liée au paradigme classique

Les relations entre interlocuteurs n’ont pas seulement une portée informationnelle et cognitive, elles les impliquent aussi existentiellement (..) Si la portée informationnelle de la parole est explicite, sa portée existentielle est plus souvent implicite (…) Les échanges de paroles ont souvent moins pour fonction d’informer que d’établir ou d’entretenir un contact : le bavardage prendrait ainsi le relais de l’épouillage dans les sociétés de singes » p 367

Se sentir exister ; sentir que l’on  a sa place parmi les autres

Pour Spinoza nous ignorons les causes de nos désirs. « Notre attention se porte sur la scène que nos paroles déploient, nous dérobant ainsi les coulisses ou s’active le désir qui nous pousse à les dire » p 373

Il est important d’apporter des éclaircissements sur la nature du langage, l’écologie de la parole et les limites du pouvoir de la pensée

Les mots (sans parler des manières de penser et des manières d’être) se diffusent plus facilement par mimétisme que pour leur justesse.(…) On croit souvent faire usage d’un mot parce qu’il offre une meilleure prise que d’autres sur le réel, alors que son cours s’est accrédité  comme celui d’une monnaie. Désirant avoir place dans un certain  cercle social ou professionnel (parce qu’on le perçoit, consciemment ou non, comme une source de plus être)on désire faire usage de la « monnaie » qui y donne accès et l’on intériorise le système de places qui la structure. Le désir d’exister est plus fort que la volonté de savoir. Il tend à parasiter , voire à instrumentaliser le savoir » 383

« Les langages, les pensées, les manières d’être propres à un milieu de vie sont des créations culturelles « autoréférentielles » dans la mesure où elles reposent sur la diffusion mimétique et l’accord tacite qui leur donne cours. Elles constituent ainsi un milieu stable et protecteur qui contribuent à notre homéostasie psychique » p383

 

Chapitre 14 Les taches des cultures humaines au-delà de l’utilitaire et leur écueil

L’écueil : quand le tiers est lui-même autoréférentiel

L’auteur dénonce la conception utilitariste de la culture humaine véhiculée depuis des siècles par la tradition occidentale ; cette conception ne prend pas en compte « la genèse de l’existences psychique des humains » ; « la culture greffe un ordre symbolique sur l’ordre biologique ».

 

« Toute politique, même la plus grossière, écrit Valéry, suppose une idée de l’homme » mais aussi toute politique . « on croit savoir ce qu’est l’être humain. On se repose sur ce que Searle appelle des représentations d’arrière plan , pour ainsi dire des impensées ou invérifiées » «  Ce qui justifie à mes yeux l’entreprise dont ce livre rend compte, c’est la conviction qu’une meilleure connaissance de l’homme constitue une meilleur boussole que les représentations spontanées et les présomption » p414

 

« Le livre dans son ensemble, invite le lecteur à reconnaître que notre existence psychique ne tombe pas du ciel, qu’elle implique tout un substrat culturel et social, que l’économie (marchande) n’est donc pas la base des société humaines, mais seulement une de ses bases » (p415)

 

« Ose savoir », mot d’ordre des Lumières. « Pour autant je ne pense pas que le progrès des connaissances scientifiques puissent à lui seul nous servir de boussole »415  L’auteur prend l’exemple de la déclaration d’indépendance des Etats Unis qui dit notamment « tous les hommes sont créés égaux » et sont dotés par le créateur de droit inaliénable : la vie, la liberté, la recherche du bonheur » et repris par Yuval Noah Harari. Pour ce dernier « ces principes universels n’existent nulle part ailleurs que dans l’imagination fertile des Sapiens et dans les mythes qu’ils inventent et racontent » et «  les droits de l’homme sont aussi un mythe ». « Ils ne correspondent à aucune réalité objective, explique l’auteur, mais le fait d’y croire permet de coopérer plus efficacement , de vivre en sécurité et de forger une société meilleure.  Justification utilitariste donc, conforme à la conception occidentale de l’individu et à la croyance selon laquelle l’existence psychique de l’homme serait, en quelque sorte, un phénomène de génération spontanée. Une meilleure connaissance de l’homme permet de de comprendre que ces principes s’ancrent  dans une réalité objective (voir son chapitre 7, le bébé dans son devenir humain ) p416

« Les connaissances ne sont ni définitives ni indiscutables puisque c’est en s’ouvrant aux confrontations qu’elles se constituent et qu’elles progressent »

Si large que soit le consensus qui donne crédit aux principes universels, les institutions  qui les mettent en œuvre n’en restent pas moins des créations humaines et historiques »p417 « C’est la pluralité des sphères de socialité, d’expérience et de pensée qui offre un recours contre l’écueil que constitue le caractère autoréférentiel de telle institution, de telle pratique dans les relations humaines

 

Impossible complétude, réconforts culturels

« Pour vivre, tout simplement pour être, il nous faut nécessairement nouer des liens de symbiose – contribuer à la vie de quelque chose qui nous fait vivre . Or les formes de symbiose qui sont accessibles aux humains ne sont ni complètes ni définitives (..) le désir est un puissant moteur, mais évidemment aussi cause de souffrance ».

 

Conclusion

« La vision de l’homme présentée dans ce livre oblige à repenser l’opposition entre matériel et spirituel, ainsi que son avatar contemporain, le partage entre les faits et les valeurs, entre l’économie et la morale « 

« Je l’ai montré dans ce livre (et dans plusieurs d’autres) : si l’un des enjeux du XXI siècle est bien d’intégrer une nouvelle conception de l’homme, cela implique de reconnaitre que l’économie marchande n’est pas le seul fondement des sociétés humaines : l’existence psychique des humains ne se soutient et ne s’entretient pas seulement par les biens marchands, mais aussi grâce à un large éventail de biens non marchands, matériels et immatériels » p417

« Ce ne sont pas la morale et l’humanisme qui permettront de dépasser le fondamentalisme économique, c’est une écologie généralisée incluant la vie subjective, sociale et culturelle des humains »

« Entre le spirituel et le matériel, ou plutôt à l’intersection des deux, il existe un champ bien réel qui est encore à reconnaitre et à explorer . Comprendre l’écologie selon se produit et s’entretient ce champ,  comprendre ce qui cause ses défaillances  et ses dérives destructrices, c’est poser la question de ce qui nous fait vivre »

Ni les dualismes platonicien et chrétien, ni le matérialisme n’ont été en mesure de reconnaître à quel point  l’intériorité humaine partage avec le corps la nécessité de se maintenir vivante en entretenant des liens et des échanges avec son milieu de vie. L’idée de raison, qui occupe une place centrale dans la culture occidentale, constitue elle aussi un obstacle, dans la mesure où elle présuppose que l’esprit peut et doit fonctionner comme une tour de contrôle surplombant le champ de l’existence. La métaphore qui banalise cette hiérarchie (au sommet la t^te qui pense, au-dessous la corps en proie à ses appétits) instaure d’emblée un partage qui fait des affects des forces irrationnelles et des causes de trouble. Mais si l’être humain est bien un vivant, autrement dit s’il est poussé par la nécessité et le désir de soutenir son identité psychique, alors on doit inverser l’image : le sujet pensant, connaissant, rationnel est en réalité enchâssé dans le sujet vivant et existant » . Ce renversement qui doit beaucoup à Spinoza, est la clé qui ouvre à la compréhension des affects

Cela ne revient pas à nier l’autonomie de la pensée rationnelle : la raison instrumentale qui ajuste les moyens aux fins, qui évalue coûts et bénéfices, est à même de s’exercer dans une relative indépendance par rapport aux affects

« Le fait est que les humains tendent à placer dans leur rationalité une confiance déraisonnable. La théorie du rational choice en est une illustration. En réalité, s’il est possible de choisir rationnellement les fins intermédiaire, il n’en va pas de même des fins ultimes (..) dans les activités économiques, les fins ultimes ne sont pas librement choisies : elles s’imposent»

Lorsque les sciences économiques se sont constituées au XVIII ème siècle, c’est la mécanique qui était le modèle scientifique qui s’imposait, si c’était la biologie les sciences économiques seraient aujourd’hui très différentes de ce qu’elles sont p 431

« L’anthropologie générale relève à la fois de la science et de la philosophie. La philosophie pose les questions et les connaissances scientifiques apportent non pas les réponses, mais des réponses. Le patrimoine philosophique occidental, si riche soit, il  ne suffit pas :  les autres sources de connaissance ne sont pas de trop – connaissance scientifique, tratidtions de pensées non occidentales, mythes et contes, .. p432

 

[1] Intéressant mais à préciser, se maintenir en vie est-ce ressentir la force de vie qui nous habite, c’est se ressentir relier à son corps, aux êtres vivants, au monde, à l’univers.

 

[2] Il y a des hommes parce qu’il y a eu des relations de coopération et des symbioses dans le monde vivant et au niveau des particules élémentaires.