La culture du Narcissisme. La vie américaine à un âge de déclin des espérances
L’auteur (1932-1994), Historien et sociologue américain
Thème : L'ouvrage explore les racines et les ramifications d'une normalisation de la pathologie narcissique dans la culture américaine du XXe siècle en se basant sur des analyses à la fois psychologiques, culturelles, artistiques et historiques.
4ème de couverture
La culture occidentale est en crise. Le Narcisse moderne, terrifié par l’avenir, méprise la nostalgie et vit dans le culte de l’instant ; dans son refus proclamé de toutes les formes d’autorité, il se soumet à l’aliénation consumériste et aux conseils infantilisants des experts en tout genre. Lasch met en lumière ce paradoxe essentiel qui veut que le culte narcissique du moi en vienne, in finé , à détruire l’authentique individualité ;
« Si la culture du narcissisme apparaît comme un livre prophétique, c’est parce qu’en décrivant avec une précision remarquable, sur la base de données empiriques déjà disponibles à l’époque (années 1970), les formes d’individualisation requises par le capitalisme de consommation, Lash délimitait en même temps par avance le cadre psychologique et intellectuel très étroit à l’intérieur duquel devraient dorénavant se débattre les militants de toute gauche moderne »
(Préface de Jean-Claude Michéa)
« Libérer l’humanité des notions aussi attardées que l’amour et le devoir, telle est la mission des thérapies post-freudiennes, et particulièrement de leurs disciples et vulgarisateurs, pour qui santé mentale signifie suppression des inhibitions et gratification immédiate des pulsions . Ayant remplacé la religion, comme cadre organisateur de la culture américaine, la vision thérapeutique menace également la politique, dernier refuge de l’idéologie. La bureaucratie transforme les doléances collectives en problèmes personnels relevant de l’intervention thérapeutique » p35
« La popularité des modes de pensée psychiatrique, la diffusion du « mouvement de la nouvelle conscience », le rêve de célébrité, et le sentiment angoissé de l’échec, ont en commun un caractère d’intense préoccupation narcissique. Cette concentration sur soi définit le climat moral de la société contemporaine. La recherche de son propre accomplissement a remplacé la conquête de la nature et de « nouvelles frontières ». Le narcissisme est devenu l’un des problèmes centraux de la culture américaine et de nombreux écrivains » p52
Les thérapies nouvelles intensifient la maladie qu’elles prétendent guérir parce qu’elles masquent l’origine sociale des souffrances qu’elles traitent, souffrances qui sont faussement ressenties comme étant purement personnelle et privée p61
Il importe d’être précis sur le plan théorique. Considérer le narcissisme comme synonyme de tout ce qui est égoïste et désagréable contredit l’évidence historique. Les hommes ont toujours été égoïstes, et les groupes toujours ethnocentriques. En revanche, le fait que les désordres du caractère soient devenus la forme la plus marquante de la pathologie psychiatrique, entraînant une modification de la personnalité tient à des changements tout à fait spécifiques de notre société et de notre culture : à la bureaucratisation, la prolifération des images, aux idéologies thérapeutiques, à la rationalisation de la vie intérieure, au culte de la consommation, et, en dernière analyse, aux modifications de la vie familiale et des modes de socialisation » p65
Une définition de la personnalité
Toute société reproduit sa culture – ses normes, ses postulats sous-jacents, ses modes d’organisation de l’expérience – dans l’individu, sous forme de la personnalité. Comme le disait Durkheim, la personnalité est l’individu socialisé. Le processus de socialisation, effectué par la famille, et secondairement, par l’école, et les autres institutions visant à la formation du caractère, modifie la nature humaine afin qu’elle se conforme aux normes sociales dominantes »p67
Définition du narcissisme
Si pour quelques raisons, l’enfant vit avec une intensité particulière le traumatisme de la séparation , il peut tenter de rétablir les relations antérieures en créant , dans ses fantasmes, une mère ou un père omnipotents se confondant avec les images de son propre moi p71
Les personnalités narcissiques sont tragiquement incapables de voir dans la vie un processus réclamant que l’on s’identifie progressivement au bonheur et à la réussite d’autrui p78
Apothéose de l’individualisme
La poursuite de l’intérêt personnel qu’on identifiait auparavant avec celle du gain et de l’accumulation de richesse, s’est muée en une recherche du plaisir et de la survie psychique
La défense de la sphère privée aboutit à sa négation la plus poussée, la glorification de l’individu conduit à son annulation p123
Propagande de la marchandise et publicité
La publicité sert moins à lancer un produit qu’à promouvoir la consommation comme style de vie. Elle éduque les masses à ressentir un appétit insatiable, non seulement de produits, mais d’expériences nouvelles et d’accomplissement personnel. Elle vante la consommation, remède universel aux maux familiers que sont la solitude, la maladie, la fatigue, l’insatisfaction sexuelle. Mais simultanément elle crée de nouvelles formes de mécontentements spécifiques de l’âge moderne p127
Postface (1991)
Vision faustienne de la technologie
La relation à la nature, qui provoque des sentiments si puissants d’amour, de reconnaissance, d’admiration et de dévotion a beaucoup de choses en commun avec les relations qu’on entretient avec sa propre mère, ce qui a été reconnu depuis longtemps par les poètes p380
Une des façons de nier notre dépendance à la nature (aux mères) est d’inventer des technologies destinées à nous rendre maître de la nature
En termes psychologiques, le rêve de maîtriser la nature est la solution régressive qu’adopte notre culture pour résoudre le problème posé par le narcissisme - régressive parce qu’elle cherche à retrouver l’illusion primale de l’omnipotence et refuse d’accepter les limites de notre autonomie collective