Le miracle Spinoza
L’ambition de Spinoza est de démontrer, de manière quasi objective, l’intelligence et l’harmonie profondes qui unissent tout le réel ? Partant de Dieu, défini comme la substance de tout ce qui existe, il entend montrer que tout a une cause – de l’ordre cosmique au désordre de nos passions – et tout s’explique par les lois universelles de la Nature. Le hasard, comme le miracle n’existe pas p 13.
Dans son système philosophique Spinoza place la raison au centre de tout. P17
La pensée de Spinoza constitue une véritable révolution politique, religieuse, anthropologique, psychologique et morale. En prenant la raison pour seul critère de la vérité, il se place d’emblée dans l’universel et l’intemporel, car elle est la même pour tous les hommes de tous les temps. Il bâtit une philosophie globale qui ne fait plus la séparation entre le créateur et la création, le spirituel et le matériel mais qui appréhende dans un même mouvement l’homme et la nature, l’esprit et le corps, la métaphysique et l’éthique p14.
La conviction que le réel est totalement intelligible est la pierre angulaire de tout l’édifice spinoziste. Pour lui rien n’est irrationnel. Certes nous pouvons adopter un comportement jugé irrationnel, mais celui ci s’explique par des causes qu’il suffit de découvrir. P18
Lorsque nous aurons compris que tout a une cause et que nous aurons saisi l’enchainement des causes qui ont produit tel évènement naturel ou telle action humaine nous ne serons plus dans le jugement moral, ni dans le sarcasme, ni dans la plainte, la haine ou la colère. Cela n’enlève pas la condamnation ou la critique de telle ou telle action. Les conséquences peuvent être tragique mais elles ne sont pas irrationnelles, et il est tout aussi vain de haïr un criminel que de de haïr la nature à l’origine d’un tremblement de terre p19.
Vaincre le mal en s’attaquant à ses causes profondes lui semble plus utile que de passer son temps à s’indigner, se lamenter, détester et condamner, ce qui nous dispense souvent d’agir.
La joie est au cœur de la philosophie de Spinoza p11.
De Bergson à Einstein, on ne compte plus les grands penseurs qui reconnaissent une dette envers lui, témoignage de Goethe p11 le neuropsychologue Antonio Damasio voit en Spinoza le précurseur de ses théories sur les émotions p14.
Le traité théologico-politique ou réflexions sur l’organisation politique de la société, sur la démocratie Chapitre 7, Le précurseur des Lumières
Le passage de l’état de nature à l’état de société implique que les individus transfèrent leur propre pouvoir à la puissance collective. (..) Cette transmission de la puissance et de la souveraineté individuelle à la puissance et à la souveraineté collective constitue le fondement de tout pacte social p104.
La démocratie n’est pas nécessairement le régime le plus vertueux d’un point de vue moral, mais c’est le plus efficace, le plus à même d’assurer la cohésion des citoyens. « Vouloir régir la vie humaine toute entière par des lois, c’est exaspérer les défauts plutôt que les corriger ! Ce qu’on ne peut pas interdire, il faut nécessairement le permettre, malgré le dommage qui en résulte souvent » p 107
Spinoza a perçu les limites de nos démocraties modernes : le manque de rationalité des individus, qui, étant encore esclaves de leurs passions, suivront la loi plus par peur de la punition que par adhésion profonde. Or si « l’obéissance extérieure » est plus forte que « l’activité spirituelle interne », pour reprendre ses propres expressions, nos démocraties risquent de s’affaiblir. C’est pourquoi il rappelle l’importance cruciale de l’éducation des citoyens. Cette éducation ne doit pas se limiter à l’acquisition de connaissances générales, mais aussi enseigner le vivre-ensemble, la citoyenneté, la connaissance de soi et le développement de la raison p110
Nos démocraties seront d’autant plus solides, vigoureuse et ferventes, que les individus qui les composent seront capables de dominer leurs passions tristes – la peur, la colère, le ressentiment, l’envie, etc. – et qu’ils mèneront leur existence selon la raison. (exemple du peuple allemand qui a élu Hitler après l’humiliation du traité de Versailles) Donald Trump p 110.
L’Ethique, un guide vers la joie parfaite
Tout le parcours de l’Ethique est un chemin de la servitude vers la liberté, de la tristesse vers la joie p116
Elle est fondée sur une métaphysique, c’est-à-dire une conception de Dieu et du monde ( 2ème partie, chapitre 2 le Dieu de Spinoza) . Spinoza est convaincu que toute éthique doit nécessairement reposer sur une certaine vision du monde et de Dieu. Son ouvrage s’ouvre par une première partie entièrement consacrée à Dieu, qu’il définit comme la Substance unique de tout ce qui existe , et s’achève par une partie consacrée à la Béatitude p122. Nos actes et l’orientation profonde que nous donnons à notre vie ne sont pas les mêmes selon la compréhension que nous avons de notre lien au monde et à l’Absolu p138.
Lorsque Spinoza identifie Dieu à la Nature, il entend par Nature le cosmos entier dans toutes ses dimensions, visibles et invisibles, matérielles et spirituelles p131.
Sa conception de Dieu est fort éloignée des celle des religions monothéistes, qui considèrent Dieu comme un être suprême, préexistant au monde qu’il a créé par sa volonté p125 et qui lui donnent des visages semblables aux figures humaines : il est Seigneur, Père, Juge, etc.
Qu’est ce que l’être humain ? l’anthropologie et la psychologie de Spinoza (2ème partie, chapitre 3)
A la différence de Descartes, de la tradition chrétienne (dans la lignée de Platon), Spinoza considère que le corps et l’esprit comme une seule et même réalité s’exprimant selon deux modes différents p 143 Par corps, Spinoza n’entend pas uniquement le corps physique mais la corporéité dans toutes ses dimensions : physique, sensorielle, émotionnelle, affective. P144
Le clivage fondamental au sein de l’être humain, pour Spinoza, est celui entre deux types d’affects : la joie et la tristesse 145.
« Chaque chose, selon sa puissance d’être, s’efforce de persévérer dans son être » Cet effort (conatus en latin) est une loi universelle de la vie ce que confirmera la biologie moderne (Antonio Damasio, Spinoza avait raison, Joie et tristesse, le cerveau ces émotions).
La joie est l’affect fondamental qui accompagne toute augmentation de notre puissance d’agir, comme la tristesse est l’affect fondamental qui accompagne toute diminution de notre puissance d’agir. L’objectif de l’éthique spinoziste consiste dès lors, à organiser sa vie grâce à la raison pour diminuer la tristesse et augmenter la joie jusqu’à la béatitude suprême p147.
Exemple de la relation amoureuse, la joie ou la tristesse d’une relation ne vient pas directement de la personne mais de l’idée qu’on en a, de notre imagination .
Nous attirons à nous, par la puissance de notre inconscient, des personnes qui sont en résonance avec nos problématiques infantiles non résolues.
Comprendre ces sentiments qui nous gouvernent (2ème partie, chapitre 4)
Affects = sentiments p153
Comprendre est expliquer le comportement humain, comme on le fait pour n’importe quel phénomène naturel.
Est-ce possible ? relation observateur / observé
Spinoza cherche à élaborer une science des affects à partir de trois sentiments de base : le désir (qui exprime notre effort à persévérer dans notre être) la joie qui permet l’augmentation de notre puissance d’agir et la tristesse qui diminue notre puissance d’agir.
Cultivons le désir (2ème partie chapitre 5)
Conatus : effort que nous faisons pour persévérer et grandir dans notre être. C’est le moteur de notre existence qui nous pousse à survivre et à accroitre notre puissance d’exister.
Il ne faut pas supprimer ou diminuer le désir, mais l’orienter par la raison.
La seule force qui peut véritablement nous faire changer, c’est le désir. Voilà une puissance du corps et de l’esprit capable de mobiliser tout notre être, là où la raison et la volonté, exclusivement liées à l’esprit, peuvent se révéler impuissantes p168.
Le désir mobilise la totalité de notre être, quand la raison et la volonté ne mobilise que notre esprit.
« Un sentiment ne peut être contrarié ou supprimé que par un sentiment plus fort que le sentiment à contrarier » ainsi on ne supprimera pas une haine, un chagrin ou une peur simplement en raisonnant, mais en faisant surgir un amour, une joie, espoir p169 exemple pour lutter contre une addiction.
La conception spinoziste du désir et de l’affectivité constitue une rupture profonde avec la tradition philosophique et religieuse classique. Il remplace la dualité raison/affectivité par la dualité activité/passivité. La passivité est un état où nous sommes mus par des causes extérieurs et des idées inadéquates. L’activité intervient lorsque nous agissons à partir de notre nature propre et d’idées adéquates. p173 .
Nous appelons bon ce que nous désirons (2ème partie, chapitre 6)
« Nous appelons bon ou mauvais ce qui est utile ou nuisible à la conservation de notre être, c’est-à-dire ce qui augmente ou diminue, aide ou contrarie notre puissance d’agir »p176
Spinoza rapporte le bien à nos gouts et désirs subjectifs.
C’est une véritable révolution copernicienne de la conscience morale qu’instaure Spinoza. La vraie morale ne consiste plus à chercher à suivre des règles extérieures, mais à comprendre les lois de la nature universelle et de notre nature singulière afin d’augmenter notre puissance d’agir et notre joie p179
L’éthique immanente et rationnelle du bon et du mauvais remplace la morale transcendante et irrationnelle du bien et du mal p183.
Liberté , éternité, amour, (2ème partie, chapitre 7)
L’homme est soumis à la même loi de causalité, aussi bien dans nos corps que dans nos esprit . C’est parce que nous n’avons aucune conscience des causes qui motivent nos actions que nous nous pensons libres. Nos choix et nos désirs sont en faits déterminés par toutes sortes de causes. L’être humain est d’autant plus libre qu’il agit selon sa propre nature, et non pas seulement sous l’influence des causes qui lui sont extérieures ( sa part inconsciente est-elle intérieure ou extérieure). Etre libre c’est être pleinement soi-même.
La connaissance rationnelle nous rend libres mais elle est insuffisante pour nous conduire au bonheur suprême, pour cela une