No Demos ? Souveraineté et démocratie à l’épreuve de l’Europe

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Titre de l'ouvrage: 
No Demos ? Souveraineté et démocratie à l’épreuve de l’Europe
Auteur(s) de l'ouvrage: 
Céline Spector
Maison d'édition: 
Seuil
Date de parution de l'ouvrage: 
Janvier 2021
Date de rédaction: 
Avril 2022

 

Avant de se plonger dans le livre, il est conseillé de voir la vidéo (43 minutes) de présentation de l'ouvrage par son auteur et de lire les 30 pages de l’introduction https://www.youtube.com/watch?v=GrRry7S6Wsg

Malgré la relative facilité de la lecture de son introduction et ses propos faciles à suivre dans la video, ce livre s’adresse à des étudiants de science politique.

 

  1. Intérêt de ce livre

« Le livre est une réflexion sur le devenir du concept de souveraineté à l’épreuve de l’Union européenne » interview

 

Nous aider à repenser nos concepts de souveraineté, de démocratie, de peuple. Dans une période de profonds changements (culturels, géopolitiques, économiques, écologiques) dans lesquels nous sommes tir il est important de revoir et critiquer les concepts que nous utilisons pour bâtir nos discours et nos argumentations que nous pensons rationnels.

 

En s’appuyant sur l’exemple historique de la formation de la fédération des Etats Américians et L’Esprit des lois de Montesquieu , de la conception du peuple selon le philosophe Habermas, ce livre fait le pari qu’une République fédéraliste européenne est possible .

 

  1. Les enjeux

 

 Une République fédéraliste européenne est possible « elle est même inévitable au regard de la réorganisation de l’économie mondiale des pouvoirs et de la démultiplication de ses foyers au sein de réseaux transnationaux » p

 

« A l’heure où les mécanismes qui entretiennent l’injustice fiscale, sociale et environnementale ignorent les frontières, le repli stato-national serait dévastateur. La déterritorialisation et la financiarisation de l’économie ont des conséquences politiques et juridiques d’envergure : cantonnée à  l’Etat nation, la volonté générale est devenue un mythe sans effectivité politique. Avec la mondialisation et le pouvoir croissant des instances d’arbitrages internationales, des multinationales et en particulier des GAFAM, les pouvoirs auxquels les sujets de droit doivent s’adresser se multiplient, l’Etat n’est plus seul créateur de droit. Il faut donc se libérer de l’utopie d’un démos unitaire » p15

 

  1. Concept de nation

 

Définition de la nation p63

« La croyance mutuelle qu’ont les membres d’appartenir à un « Nous », à une communauté politique ». Cinq traits majeurs définissent les nations :

  1. Sentiment d’appartenir à une communauté distincte 
  2. Ce sont des communautés historiques
  3. Ce sont des agents collectifs unis par la volonté de prendre des décisions communes
  4. Elles disposent d’un territoire défini,
  5. Elles partagent une culture publique

« Les nations sont des communautés culturelles, de personnes conscientes de leur attachement à un pays (espace géographique) à ses institutions civiques et à sa culture »

 

Nations et nationalisme p72

Pas plus qu’il n’existe de frontières naturelles, ou de langue pure, il n’existe de patrimoine qui mérite d’être sauvegardé du fait de sa seule existence : les traditions guerrières ou oppressives (pour les femmes ou les minorités) n’ont pas à être conservées. La ferveur jadis investie dans la religion fut pour une part translatée dans l’admiration de la nation. Pour Karl Popper : les conception naturalistes et historicistes de la nation engendrent l’intolérance et la persécution, voire les tentatives d’épuration

L’histoire de la constitution des nations n’a pas toujours été un processus démocratique

Le nationalisme est un lieu commun qui vise à sanctifier un patrimoine spirituel et à sacraliser ses frontières p77

 

  1. Revoir le concept de souveraineté

 

La souveraineté de l’Etat nation est une illusion (mondialisation des échanges, des flux des capitaux, pluralité de normes internationales (organismes internationaux, firmes mulitnationales GAFAM) qui exercent un vrai pouvoir sur l’Etat nation

 

Rappel sur l’histoire du concept de souveraineté : c’est une réponse à la barbarie des guerres de religion

La souveraineté s’inscrit dans une volonté d’apaisement des conflits interieurs et de protection des pouvoirs extérieurs (Empire romain germanique, papauté, des seigneurs féodaux ). La souveraineté a été au départ celle des monarques, des royautés pour affirmer leur autonomie de décision (faire la guerre, la paix, battre monnaie)

 

Aujourd’hui le concept doit être revu dans un monde géopolitique de grandes puissances (Etats-Unis, Chine, Russie) qui affirment leur souveraineté,  

Revisiter le concept de souveraineté de Hobbes et de Rousseau (une et indivisible, qui ne peut pas être partagée) à la lumière de Montesquieu et des fondateurs de la Constitution américaine face à la question comment concilier la souveraineté des Etats américains et la souveraineté du gouvernement fédéral.

 

La souveraineté n’est pas obsolète, elle doit être pluralisée

Défintion de la souveraineté : un ensemble , un assemblage de droits et de compétences (défense, commerce,..) de pouvoirs

 

Organisation plurielle et complexe de la souveraineté

Il y a des problèmes qui peuvent être résolus au niveau européen, national, régional, local. Et la répartition des compétences aux différents niveaux doit résulter d’un débat démocratique. Il faut concilier le principe démocratique et le principe de subsidiarité  (traiter les problèmes au plus près des citoyens)

Il y a des problèmes qui ne peuvent plus être traités qu’au niveau européens, d’où la nécessité de penser la souveraineté européenne.

 

  1. Il n’y a pas de démos européen et donc pas de démocratie ?

 

Qu’est ce qu’un peuple ? Ne pas prendre le modèle nationaliste du peuple constitué par une tradition nationale intangible, une langue, une culture, une tradition historique, ou modèle ethnique du peuple

Il faut penser le peuple civique

Le peuple est une identité variable, historique, non figée

Définition du peuple : association d’individus  libres et égaux, unis par des liens de solidarité civique (Habermas), reposant sur un contrat social

Démos est pluriel / L’Europe est l’association libre et volontaire d’ un ensemble de démos  qui composent cette entité d’un genre nouveau qu’est l’UE et reposant sur un contralt social européen

 

Deux conceptions du peuple selon Habermas

Au début Habermas pense constituer l’Europe sur le droit et une production constitutionnelle, à partir d’un patriotisme constitutionnel

2ème Habermas :

Ne pas laisser la culture, la mémoire, l’histoire au souverainisme

Au centre la question : comment  le peuple européen interprète son histoire , ses conflits, ses guerres, ses promesses.

Penser l’Europe comme une identité politique à construire et en construction. Penser une culture politique européenne à partir d’une histoire critique sur les conflits, guerres, les périodes coloniales, les périodes de réconciliation. Mais aussi au niveau architectural, des manifestations culturelles, des regroupements artistiques

 

  1. Comment construire la citoyenneté européenne autour du concept de solidarité et d’un contrat social

Le concept de solidarité permet de consolider l’appartenance à l’Europe (cf. chapitre 6 L’Europe sociale aura-t-elle lieu ?)

Solidarité entre les peuples des Etats et entre les citoyens

Nécessité d’un contrat social européen pour la sécurité mais aussi pour la liberté et la justice

La solidarité comme équivalent de la justice sociale

La solidarité doit être la finalité, le telos, de l’Europe en faisant émerger les bien publiques européens (transition écologique, énergétique, défense, protection de l’emploi, …)

Remédier aux effets pervers de la libre circulation et de la non discrimination, deux principes juridiques de l’UE

Par exemple protéger les individus contre le principe de la libre circulation des travailleurs des pays de l’Est qui sont moins bien payés

Protéger les populations de l’européanisation et non pas seulement de la mondialisation

La république fédéraliste nécessite la mise en œuvre de solidarité transnationale entre les peuples des Etats nations et entre les individus

 

Penser une fédéralité européenne à partir du modèle américain

 

Référence à l’histoire du modèle américain et aux discussions entre les partisans d’une confédération ou d’une fédération, avec référence aux travaux de Montesquieu

République fédérative (livre 9 de  L’esprit des lois) Avec théorie  de l’équilibre des pouvoirs

Solution des fédéralistes ; le peuple est le seul souverain lorsqu’il délègue la souveraineté aux Etats ou à la Fédération ;

La fédération américaine est un Etat fédéral qui a su s’adapter à la diversité des origines de sa population (principalement européennes, et chrétienne au départ).

Situation favorable, les Etats américains n’avaient pas de passé

Unité de la féderation américaine malgré la multilingue, multi religieux, mulitculturels aux Etats Unis

 

 

Montesquieu est un modèle à connaître

 

Esprit des lois de Montesquieu est le modèle à étudier et à diffuser, il permet d’articuler la science politique et l’art de gouverner

Il permet de définir de grands principes et de les adapter à chaque cas en fonction de la culture des mœurs ; il n’y a pas de science politique universelle, refus de l’essentialiser

Refaire en Europe ce qu’a fait Tocqueville aux Etats Unis à  partir de Montesquieu

 

Rousseauisme

Comment repenser la souveraineté populaire de Rousseau, du peuple comme volonté générale inspirée par Rousseau,

Une tendance souverainiste utilise Rousseau , très présente en France depuis la Révolution pour défendre une République une et indivisible

D’autres textes de Rousseau montrent que son idée de République ne s’applique que dans le cas de petit territoire (Genève par exemple)

Un autre texte sur sa théorie de la confédération européenne.

 

 

[1] Le terme grecque demos signifie « peuple ». Il est principalement connu pour être à la racine du mot démocratie qui signifie aujourd’hui le « pouvoir » (kratos) du « peuple » (démos)