Ressources du christianisme

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Titre de l'ouvrage: 
Ressources du Christianisme
Auteur(s) de l'ouvrage: 
François Jullien
Maison d'édition: 
Editions de L’Herne
Date de parution de l'ouvrage: 
Janvier 2018
Date de rédaction: 
Janvier 2019

Chapitre 1 : Refuser l’évitement (de la question du christianisme) ou l’objectif du livre

Préciser ce que le christianisme a fait advenir dans la pensée,  ce qu’il a apporté « en termes de possibles de l’esprit », de fécondité pour la philosophie, « qu’est-ce que le christianisme a fait à la pensée ? »

La voie choisie par F. Jullien n’est pas de

  • Ramener le christianisme « dans le giron de la raison »
  • De faire de l’aura du mystère la justification du christianisme
  • D’expliquer le christianisme

La voie choisie, sur les traces de Nietzche : se demander « ce qu’a perverti, mais du même coup raffiné le christianisme dans l’homme tel qu’il est devenu en Europe ».

 

Chapitre 2 Ressources

Le propre du concept de ressource : on  l’explore en exploitant, « s’y défait la bipartition de la connaissance et de l’action[1], du théorique et du pratique. Elle n’est la propriété de personne, elle est à qui la découvre et la met au profit. (« c’est pourquoi je refuse la notion d’identité culturelle ») « une ressource n’existe effectivement qu’autant qu’on l’a développée » « S’il y a ressource du christianisme, c’est qu’il pourrait y avoir un usage à en tirer, sans qu’on doive se poser préalablement la question de sa vérité ».

Ressource n’est pas valeur. « les ressources n’ont pas besoin de se prôner et de se prêcher : elles s’offrent à qui sait les déployer »

Ressource n’est pas richesse, « des ressources n’existent qu’autant qu’on les fait fructifier ».

Ressource n’est pas racine « racine est identitaire et par conséquent sectaire ».

 

Chapitre 3 : un évènement est possible

Par rapport aux autres évangélistes, Jean ne se prononce pas sur la nouveauté du christianisme, il « s’attache à penser ce qui fait la possibilité même d’un évènement qui, comme tel, est nécessairement inouï, et que c’est ce pur événementiel qui est vie » il s’attache à penser dans le christianisme ce qui fait son surgissement »[2]

« De là que le premier souci de Jean soit d’inscrire l’événement dans l’Etre et, pour cela, d’articuler le devenir de l’événementiel avec l’intemporel ou l’éternel » (au commencement était le logos) « Tout devint à travers lui et sans lui ne devint rien). « Dans le grec de Jean devenir y devient advenir » « Du devenir inconsistant de la métaphysique à l’advenir faisant surgir l’événement s’opère l’écart définitif ». « C’est ce devint (advint), repris de phrase à phrase, qui constitue, pas et à pas, le prologue de Jean et structure son ouverture »

Advenir :  « relève d’une pure événementialité »,  « échappe à la logique de la causation » « cause » : reste extérieur à l’événement (« il y a beau temps qu’on a renoncé à établir des causes de la Révolution » «  De l’inédit est possible » .

« La première ressource, dans Jean, est donc de donner à penser qu’un événement puisse advenir » « dans la logique de la causation, il n’y a pas d’événement, à proprement parler, mais seulement des effets procédant des causes ».

Jean nous dit deux choses :

  • L’événement peut tout changer
  • Quand l’événement est décisif, le plus souvent, de l’extérieur on ne le voit pas.

Un nouveaustatut au possible existe : le possible existentiel (ni le possible logique, ni le possible ontologique) tel qu’on puisse s’arracher à soi-même, comme à son passé, se tenir hors de sa condition antérieure ou normée (ex-sistere). « Ce statut d’événementielinouï, qui par là nous échappe tout en nous éclairant, est ce qui lui sert à penser la vie » « La vie est l’effet déployé et continu de l’advenir, inouï comme il est ».

 

Chapitre 4 Qu’est ce qu’être vivant ?

« La vie n’est pas seulement condition, en effet, celle d’être vivant, mais elle constitue  l’absolue valeur » Jean distingue « être en vie » (psuché) et « avoir en soi la vie » dans sa plénitude,  (zoé) Jean (10, 10-11) Celui qui hait sa vie en ce monde (psuché) la gardera pour en faire une vie (zoé) qui ne meurt pas.

Jean nous apprend «à déployer une dimension spirituelle à partir du concret des choses, cette dimension spirituelle se confondant, chez Jean avec celle qui rend vivant ou qui fait vivre » « Spiritualiser, ce sera passer l’être en vie des êtres (psuché) à ce qui les rend effectivement vivants (en tant que zoé).

 

Chapitre 5 Logique de la dé-coïncidence

« Qui aime sa vie (psuché) la perd et qui haït sa vie dans ce monde la conservera pour la vie qui ne meurt pas (zoé) « dé-coïncider de cette adéquation au vital pour accéder au en soi à la vie vivante » « Dé-coïncider, c’est s’extraire de l’adéquation-adaptation à soi-même comme à son monde, pour  redéployer les possibles qui s’y rétractaient et rouvrir à la vie un avenir, autrement dit à un avenir d’événement ».

« L’intelligence de Jean – d’où vient une ressource essentielle au christianisme – est de comprendre que Dieu coïncidant avec lui-même serait un Dieu mort ».

« C’est en décoïncidant d’elle-même que se promeut la vie ».

« La logique de la décoïncidence, qui est la logique de la vie, est différente de la logique du renversement (des ordres et des valeurs)  qui, elle, est traditionnelle à la conversion religieuse ».

 

Chapitre 6 Reconfiguration de la vérité

« Je suis la voie, la vérité, la vie » Jean (14-6)

« La vocation de la vérité est d’ouvrir à la vie en tant qu’elle est vivante  (..) la vie en tant qu’elle est à elle-même son principe ou sa source»

A travers le statut du Christ, la vérité est devenue le fait du sujet » La vérité ne renvoie plus à un contenu, mais c’est un sujet qui la constitue » 

« La vérité n’est pas plus un tel donné transcendant auquel s’ouvrir en s’y soumettant, mais le sujet, dans sa conduite la fait advenir ».

« La vérité ne relève plus de l’avoir (la connaissance), mais de l’être : être de la vérité, la vérité est ce dont il faut s’originer pour vivre »

« l’ipséité nomme l’absolue singularité du sujet tel qu’en lui-même et que le monde ne peut pas aborder (..) une ipséité ne se discrimine pas d’avec les autres, elle ne peut que se révéler à partir d’elle-même dans on unicité  (..) l’évangile de Jean est l’autorévélation de l’ipséité de Jésus en tant que Christ».

« Ce que pense le plus profondément Jean est comment dans le Christ, l’ipséité de l’homme, de chaque soi, est appelée à communier dans l’ipséité de l’Autre (Dieu).

« Ce qui compte c’est que le christianisme est posé dans la figure du Christ l’ipséité absolue du sujet ( ..) d’avoir reconnu le soi-sujet de l’ispéité (dans le Christ) comme absolu de l’Etre : « je suis ».

Croire et témoigner

Croire à et croire en : « quand on dit croire à, est d’emblée borné, restreint, objectivé (même quand c’est en l’existence de dieu qu’on croit). Mais croire en, c’est-à-dire en un soi, en ne ipséité, est, non pas indéfini, mais infini. Quand je dis je crois en toi, aucune limite n’est envisagé» « croire en, de fait, engage un soi-même, une ipséité de deux cotés. De la part de celui qui croit en : c’est tout lui-même qui s’y trouve engagé. De la part de celui en qui on croit ».

Une vérité peut être démontrée ou témoignée. Dans le premier cas, la vérité reste extérieure au soi du sujet et s’en prévaut, ne comptant que sur l’universalité de ses raisons pour être convaincante (.. ;) Dans le second cas, la vérité est portée, assumée, par le sujet dans sa position absolue du sujet, qui s’engage tout entier, en tant que soi, dans son ipséité, pour l’affirmer.

Témoigner est lié intrinsèquement à l’événement : un événement ne prend dimension d’événement que dans la mesure  du témoignage qu’on en rend

 

Chapitre 7 Ex-istence : en se tenant hors du monde, habiter l’autre

 

« Jean n’entreprend pas de discours sur les valeurs, ne tranche pas du bien et du mal. On ne trouve pas chez lui de sermon des Béatitudes ».

« Dès lors que je me pose en sujet, dans mon ipséité, je ne peux être complétement de ce monde. L’ipséité est ce qui ne peut pas appartenir au monde : ce que dit Jésus, dans Jean, en invoquant la « royauté qui est la sienne ».

« Ce que signifie, dans Jean, la « royauté » qui est du Christ et qui n’est pas de ce monde, à titre de ressource, est que le sujet, en s’affirmant son ipséité, ou mieux l’auto-révélant, dé-coïncide nécessairement avec le monde. Mais que, par la même, il ex-iste, se tenant hors de la clôture de ce monde, de l’intégration en lui, ce pourquoi il peut effectivement  « témoigner » - à l’encontre de l’oppression que peut imposer le monde ou seulement le jugement de ce monde.

 

[1] On est ici proche du pragmatisme

[2] Quelle relation avec la phénoménologie ?