Changer notre vision du monde pour penser autrement le développement économique
Le mode développement mis en œuvre par les pays industrialisés depuis plus de deux siècles ne peut pas se généraliser à l’ensemble du monde principalement pour des raisons écologiques. Ce mode de développement est incompatible avec la continuation de la vie humaine sur la planète Terre. D’autre part, ce mode de développement exacerbant la compétition et les inégalités entre les pays et, au sein de chaque pays, entre les différentes catégories sociales, rend impossible la mise en œuvre de réelles politiques de transition écologique et notamment de transition énergétique. Pour penser autrement le développement économique il nous faut changer notre rapport à la nature, notre vision du monde, nos rapports avec les autres hommes, mais aussi notre conception de la valeur et de la richesse économique.
En tant qu’enseignant chercheur en économie et en yoga, je propose ici de re-questionner la science économique et l’impasse dans laquelle nous conduit notre mode de développement, à la lumière d’une spiritualité puisant son dynamisme dans la pratique du yoga ; c’est à dire à partir d’une spiritualité qui se découvre et se vit dans une nouvelle manière d’habiter son corps et par là, une nouvelle manière de se relier aux autres êtres humains et à toutes formes de vie.
Les crises financières et économiques que nous subissons depuis 2008 masque une crise bien plus profonde, la crise de notre mode de développement. Ce mode de développement mis en œuvre par les pays industrialisés depuis plus de deux siècles ne peut pas se généraliser à l’ensemble du monde, principalement pour des raisons écologiques (réchauffement climatique, épuisement des ressources, pollutions de l’air, des eaux, de la terre, etc.). Ce mode de développement est incompatible avec la continuation de la vie humaine sur la planète Terre.
La principale cause de cette impasse est due à notre manière de considérer ce qu’est la richesse économique. Depuis le début de l’industrialisation, les différentes écoles de la pensée économique nous ont toutes enfermées dans une conception bien spécifique de la richesse économique comme étant la valeur monétaire de ce qui est produit et vendu. Pour être plus riche, il nous faut toujours produire plus et consommer plus. Notre conception de la richesse économique est la conséquence d’une certaine vision du monde (et de la place de l’homme dans le monde) qui est née en Europe au XVII et XVIII siècles, dans la période dit du « Siècle des Lumières ».
Pour penser autrement le développement économique il nous faut donc changer notre vision du monde, notre rapport à la nature et notre conception de la richesse économique. Un tel changement ne peut pas se faire seulement en « verdisant »[1] notre mode de développement actuel, il ne peut pas non plus être le résultat d’une révolution politique et économique (sortir du capitalisme, par exemple). Nous sommes individuellement et collectivement appelés à un changement bien plus profond, à une mutation ou plutôt à une métamorphose qui passe par un questionnement des fondements mêmes de notre culture occidentale et par la redécouverte d’une vie spirituelle qui est potentiellement présente en chaque être humain.
En tant qu’enseignant chercheur en économie et en yoga, je propose ici de re-questionner à la fois les sciences économiques et l’impasse dans laquelle nous conduit notre mode de développement à la lumière d’une spiritualité puisant son dynamisme dans la pratique du yoga, c’est à dire à partir d’une spiritualité qui se découvre et se vit dans une nouvelle manière d’habiter son corps. En effet pour nous aider à initier et à mettre en œuvre la mutation que nous devons entreprendre individuellement et collectivement, pour nous aider à changer notre vision du monde, il nous faut découvrir que la nature[2] est d’abord ce qui constitue notre corps, ce qui construit la base matérielle et énergétique de notre être sur cette planète Terre. Il nous faut donc, changer y compris la « conception écologiste » de la nature comme étant l’environnement dans lequel nous vivons. La nature, c’est plus que l’environnement dans lequel nous développons nos activités notamment économiques, c’est notre corps et plus fondamentalement c’est le souffle, la force de vie qui habite chaque être. Par là, nous sommes conduits à repenser ce qui fonde notre solidarité aux autres hommes, et plus globalement à tous les êtres vivants.
Dans cette démarche, il s’agit nullement d’adopter une attitude anti-Lumières, anti-scientifique. Force est de reconnaître qu’il n’y aurait pas eu de révolution scientifique sans l’apport des Lumières. Ce sont les Lumières qui ont permis à l’homme de prendre une posture d’observation du monde , de se distancer de ce monde naturel dans lequel il est complétement immergé pour pouvoir le penser, et produire des connaissances. D’une manière assez inattendue, des découvertes récentes en sciences biologiques, en neuroscience et en physique quantique nous obligent à penser notre vision du monde et de la place de l’homme dans le monde d’une manière différente de celle des Lumières ; peu à peu une nouvelle cosmologie émerge et plusieurs aspects de cette dernière se trouvent en harmonie avec les travaux récents des astro-physiciens. Et comme l’ont déjà noté certains physiciens, d’une manière assez paradoxale, cette nouvelle vision du monde, cette cosmologie émergeante présente des aspects communs avec la vision du monde de nombreuses traditions orientales (hindouisme, bouddhisme, taoïsme, etc.). Les avancées scientifiques dans plusieurs disciplines scientifiques devraient nous aider à redécouvrir peu à peu notre vraie nature, et confirmer par là les intuitions de nombreux philosophes et mystiques de traditions orientales.
[1] En affichant et en introduisant plus d’objectifs écologiques
[2] Par nature nous entendons les mondes minéral, végétal, animal, les océans, l’atmosphère de notre planète Terre et plus globalement notre système solaire et l’ensemble des galaxies qui constituent l’univers. N’oublions pas que nous sommes des poussières d’étoiles comme nous le rappelle l’astro physicien Hubert Reeves.